Titre français : Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street
Un film de Tim Burton vu au cinéma.
Résumé de TinalaKiller : Après avoir croupi pendant quinze ans dans une prison australienne, Benjamin Barker s'évade et regagne Londres avec une seule idée en tête : se venger de l'infâme Juge Turpin qui le condamna pour lui ravir sa femme, Lucy, et son bébé, Johanna. Adoptant le nom de Sweeney Todd, il reprend possession de son échoppe de barbier, située au-dessus de la boulangerie de Mme Nellie Lovett. Celle-ci l'informe que Lucy se donna la mort après avoir été violée par Turpin.
Lorsque son flamboyant rival Pirelli menace de le démasquer, Sweeney est contraint de l'égorger. L'astucieuse Mme Lovett vole à son secours : pour le débarrasser de l'encombrant cadavre, elle lui propose d'en faire de la chair à pâté, ce qui relancera du même coup ses propres affaires.
Sweeney découvre que Turpin a maintenant des visées sur Johanna, qu'il séquestre avec la complicité de son âme damnée, le Bailli Bamford. L'adolescente a attiré les regards d'un jeune marin, Anthony, celui-là même qui avait sauvé Sweeney lors de son évasion. Amoureux fou de la jeune innocente, Anthony se promet de l'épouser après l'avoir arrachée à Turpin.
Pendant ce temps, le quartier de Fleet Street s'est entiché des "tartes" très spéciales de Mme Lovett, et celle-ci se prend à rêver d'une nouvelle vie, respectable et bourgeoise, avec Sweeney pour époux et Toby, l'ancien assistant de Pirelli, comme fils adoptif. Mais Sweeney est bien décidé à mener à terme sa vengeance, quel qu'en soit le coût...
Une chronique de TWIN
Il y a de quoi être dérouté, et pas qu'un peu, devant Sweeney Todd. Après tout, les errances nostalgiques, filiales et mélancoliques de Big Fish ou Charlie & la chocolaterie semblaient entamer un virage thématique et pictural
chez Burton, qui en avait déçu beaucoup (ce n'était pas mon cas). Est-ce à dire que l'homme tourne à nouveau une page et revient à ses premiers amours ? Difficile d'y répondre mais, en l'état,
j'assènerai un non décidé.
De Sweeney Todd émane la perversité, la noirceur et le décadence d'un mental que même ses premiers essais cinématographiques n'avaient pas préparés. L'auteur signe
une œuvre schizophrène où l'horreur la plus totale côtoie une légèreté surprenante et délétère. Burton produit un cinéma du champ : tout est vu, se révèle et s'accomplit au sein d'un cadre riche
de signifiants picturaux, démoniaques et écœurants. La violence est présente, bizarrement crédible dans son sur-jeu, presque post-moderne, tant elle est pensée et accomplie comme axe de
réflexion. Face à cela, la musique et les chansons, parfaitement intégrées et véritablement utilisées comme médium pour exposer les sentiments et faire avancer la narration (il n'est jamais
cherché à créer un tube pop ou à faire s'inscrire durablement une mélodie en tête) apportent une mise à distance morale et émotionnelle dont la gestion s'avère rapidement complexe : on sent la
perversité de cette démarche, non pas pour adoucir le récit ou justifier les agissements des personnages, mais bien pour transformer l'insupportabilité de l'indicible en émulsion des bas
instincts. L'enfer baroque, stylisé et charbonneux de Sweeney Todd, où tout espoir de rédemption semble définitivement perdu, où la vengeance n'est qu'un cercle vicieux aveuglant, est le
berceau flamboyant de ce barbier et de cette tourtière, qu'on a failli prendre en pitié, mais dont les âmes damnées n'ont de cesse de s'affirmer comme repoussantes. L'enjeu de l'amour filial,
alpha et oméga de cette fable, trompe et fait remonter sa part de ténèbres.
Pour la première fois, Burton achève son œuvre sur un plan de fin du monde, sur l'horreur, la tristesse et la renonciation. Aucune image ne vient annoncer un quelconque
espoir, même par le biais de ce couple de jeunes d'innocents (trop beaux et trop lisses pour être vrais) dont on finit par se contreficher (on ne sait d'ailleurs rien de leur échappée et de leur
devenir), ou via cet enfant qui, voulant rétablir justice et équilibre, trempera lui aussi son âme dans le mal. La lumière s'éteint sur la mort et les flammes.
Fabuleux. Tétanisant. Inattendu. Une œuvre d'art.
Ma note : *****