Une fois les élections européennes passées, les réestimations des déficits publics étaient en train de tomber au compte-goutte. Aujourd’hui, les vannes de la communication viennent d’être ouvertes en grand. Ce n’est là pas non plus un hasard du calendrier puisque le Sarkozy-show de Versailles vient d'éclipser cette information dans notre show médiatique quotidien. Force est de constater la maestria gouvernementale dans sa communication sur ce dossier pourtant brûlant.
Une fois ce constat effectué, ces estimations destinées à passer inaperçues sont pourtant époustouflantes.
140 milliards d’euros de déficit budgétaire en 2009 et en 2010
Le déficit budgétaire avait été estimé dans un premier temps à 72 milliards d’euros, avant d’être revu et corrigé quelques jours après à 6% du PIB. Eric Woerth vient aujourd’hui de relever la prévision de déficit pour cette année et l’année prochaine à 140 milliards d’euros. Le déficit Français va donc se situer dans une fourchette comprise entre 7% et 7,5% du PIB.
Les critères de bonne gouvernance Européens situaient ce chiffre à 3%. Comme la tradition le veut depuis quelques temps, ces chiffres sont comparés aux chiffres des plus mauvais élèves de la classe, qui sont eux à 10 % du PIB. L’honneur est donc sauf, nous ne sommes pas les plus mauvais.
Concernant la sécurité sociale, la dernière prévision de 21 milliards de déficit pour cette année n’est pas modifiée et celle de 2010 vient d’être annoncée à 30 milliards.
Notez bien que l’on ne fait plus dans la dentelle, les chiffres prévisionnels des déficits sont désormais arrondis à 10 milliards d’euros près. Le gouvernement vient donc de se libérer d’une contrainte en livrant une prévision délibérément haute quitte à l’abaisser ultérieurement.
Une argumentation qui fleure bon le "souffle Elyséen"
François Fillon avait jugé, voilà deux ans, que la France était en cessation de paiement. Nicolas Sarkozy s’était engagé à inscrire dans la constitution le fait qu’un déficit budgétaire ne devait plus être toléré lors de l’élaboration d’un budget. C’était en 2008, une promesse non tenue destinée à fidéliser les élus du nouveau-centre.
Désormais, changement de communication : déficit is beautiful. Dixit Eric Woerth, hier:
- "Les finances publiques Françaises ne sont pas dans un état calamiteux"
- "Le déficit est une arme contre la crise"
- "Un plan de relance, c’est de la dépense publique, c’est accepter que les recettes rentrent moins bien"
- "Ce n’est pas du laxisme, c’est du volontarisme"
Et la meilleure pour la fin: « pour y arriver, on ne peut pas augmenter les impôts, ce serait une facilité ».
Tout est dit, L’Elysée nous vend toujours un Sarkozy qui ne renie rien à rien et qui n’augmente donc pas les impôts afin de continuer à séduire son électorat traditionnel. Eric Woerth est donc bien en ligne avec la communication Elyséenne.
Christine Lagarde, la ministre de l’économie devait commencer à avoir des haut-le-cœur face à cette démission de l’état au sujet de la dette. Elle vient donc d’être affublée d’un coach qui est chargé de lui faire ingurgiter la bonne parole : Nicolas Sarkozy n’augmentera pas les impôts puisqu’il n’est pas venu pour cela.
Eric Woerth, le ministre du budget et de la fonction publique, peut donc continuer à propager la bonne parole d’un sarkozy ne lâchant rien. Le ministère du budget semble avoir été re-designé pour la communication Elyséenne. Celui-ci pourrait désormais s’appeler le « ministère du déficit ». Ou avec un peu plus de cynisme, ou davantage de pragmatisme c’est selon, il pourrait également être affublé d’une dénomination peu reluisante : variable d’ajustement d’un dogme Elyséen à vocation politique destiné à entretenir l’image du président jusqu'en 2012.