Je clos ma description de la Biennale (jusqu’au 22 novembre, mais certaines expos fermeront plus tôt) avec des événements collatéraux, un bien vilain mot qui évoque un peu trop la trop fameuse riposte proportionnée et le ‘plomb fondu’. Et d’abord, justement, la superbe exposition de la Libano-Palestinienne Mona Hatoum au Palais Querini Stampalia, Interior Landscape (jusqu’au 20 septembre) est sans doute une des choses qui m’ont le plus marqué pendant ma visite. Dans une des salles, ce cube Impénétrable de 3 mètres de côté fait de tiges verticales de fil de fer barbelé semble flotter dans l’air, léger, aérien, mais aussi menaçant, repoussant : est-ce une défense ou une protection ? Et comme chez Sigalit Landau, cet objet hélas emblématique de la région ne blesse-t-il pas aussi ceux qu’il est censé protéger ? Même une fois percé le mystère de sa fixation dans l’air, ce cube garde son pouvoir magique et terrifiant. Lui fait écho le cube prison à l’entrée du musée, comme une fillette de Louis XI. Tout le travail de Mona Hatoum ou presque parle ainsi de violence, d’oppression : le plan des villes blessées, Baghdad, Kaboul et (en haut) Beyrouth est en trois dimensions (3-D Cities), avec des éruptions et des trous d’obus en creux, des patrouilles de soldats armés envahissent l’espace, ici sur une vitre, là projetés par une lanterne magique, un rosaire gigantesque est fait de boulets de canon, sur un tapis rongé par des mites se dessine la carte du monde; une vitrine du musée héberge des grenades (les armes, pas les fruits) en verre de Murano, resplendissantes (un thème exploré par Raphaël Dallaporta). Dans une petite cellule spartiate, sur le lit en barbelé, un oreiller est brodé d’une carte de Palestine en cheveux, et le keffieh voisin est aussi fait de cheveux; ailleurs dans le musée, ce petit collier dans une vitrine (Hair Necklace) est lui aussi fait de boules de cheveux finement tressés comme un filigrane, beau et repoussant à la fois. La statue du mémorial des victimes à Beyrouth est criblée de balles, mémorial devenu cible et victime, et Mona Hatoum la reproduit en porcelaine comme un ornement de dessus de cheminée bourgeois (Witness) : j’ai été touché il y a peu par la reproduction dans son livre Le Varsovien de cette photographie d’Edward Falkowski montrant une statue criblée de balles (cliquez pour mieux voir), violence barbare et acharnement aveugle. C’est une exposition qui vous empreint d’une infinie tristesse, parlant d’exil, de paradis perdu et d’impossibilité d’oublier : à quel point la guerre, la tragédie sont propices à l’art !
Voilà pour la Biennale. Dans quelques jours, les palais Pinault.
Photos de l’auteur excepté : Hatoum Witness, Fabre Sexe et Tadei White street, courtoisie des services de presse.