Avant les élections européennes, je m'interrogeais dans un billet intitulé Dieudonné anti-quoi sur la signification d'une affiche électorale de la liste antisioniste. J'ai depuis identifié les trois personnes qui entouraient Dieudonné sur cette affiche. On y trouvait Alain Soral, qui se présente sur le bulletin de vote de cette liste comme écrivain, sociologue et président d'Egalité et Réconciliation, et à gauche, Yahia Gouasmi, président du Parti antisioniste. Le troisième inconnu, ostensiblement juif, fait vraisemblablement partie de Netourei Karta, ce mouvement de Juifs ultra-orthodoxes opposés à l'Etat d'Israël. Il s'agissait donc de soutiens de Dieudonné et non de symboles des forces mauvaises emprisonnant l'Europe.
Un commentateur me reprochait alors mon obsession de ne voir dans l'antisionisme qu'un masque de l'antisémitisme. Un incident ancien, mais avec un développement récent, permet de mieux caractériser les sentiments antisionistes de M. Dieudonné. Le 27 novembre 2008, au cours d'une émission de la Télévision suisse romande, Tard pour bar, animée par Michel Zendali, sur le thème " Peut-on rire de tout ? ", un des participants avait dit, à propos de l'humoriste : " ch'pense qu'il est pas assez futé ". M. Pascal Bernheim, producteur à la TSR, s'était alors exclamé " c'est un nègre ". Dieudonné ému, à mon sens à bon droit, par cette incidente, avait porté plainte le 27 février 2009. Le 20 mai, Daniel Zappelli, procureur de Genève, a décidé de classer cette affaire en opportunité. Il considère en effet que M. Bernheim n'avait pas eu l'intention de blesser ou de nuire et qu'il avait " souhaité via internet faire part de ses regrets et présenter des excuses publiques [...] Ce qui a permis de réparer la lésion alléguée à l'honneur du plaignant ". Il ajoute que le producteur a tenu ces propos une seule fois et dans le cadre d'une émission consacrée aux limites de l'humour, propos pas pénalement pertinents.
Dieudonné a, à juste titre me semble-t-il, été indigné par cette décision. Il a alors affiché ce 3 juin, sur You Tube, un sketch vidéo, pourvu d'un bandeau " Attention, ce message est à caractère strictement humouristique ". S'adressant au " triste sire Bernheim, le riche producteur juif genevois ", il qualifie la décision du procureur de Genève de " victoire historique pour la liberté d'expression en Europe et dans le monde ". Il déclare ensuite : " votre décision me permet de répondre, dans un contexte tout aussi humoristique, bien évidemment, que M. Bernheim, lui répondre ceci : le puissant lobby de you... sionistes qu'il représente est voleur, raciste et menteur [...] Je tiens à préciser que, si une personne, une seule d'entre vous, était choquée par ce que je viens de dire, je m'en excuserai bien évidemment ".
Le 4 juin, une plainte a été déposée au Parquet de Paris pour injure antisémite. Dieudonné, annexant allègrement notre voisine, la Suisse, s'est alors exclamé : " ce que je regrette et ce que j'observe, c'est qu'en France, dans mon pays, le Parquet poursuit uniquement l'injure qui concerne les Juifs ".
Je ne me hasarderai pas à parler de ce problème sur le fond. Je constate simplement que Dieudonné a une regrettable tendance à confondre Juifs et Sionistes et que, lorsque par mégarde il retire son masque d'antisioniste, il en vient tout naturellement à associer au nom de Juif les injures et qualificatifs que lui réservent d'ordinaire ceux qui propagent la haine du Juif, depuis les temps immémoriaux où le sionisme n'existait même pas pour leur offrir un masque commode.