Dans le cadre de la "loi Bachelot", le Sénat vient d'autoriser les pharmaciens et les infirmiers à prescrire la pilule contraceptive sous certaines conditions. Face au nombre important d'IVG en France, cet élargissement des conditions de prescription est plutôt bien accueilli.
Selon la nouvelle loi "Hôpital, patients, santé, territoires" ou loi Bachelot, les pharmaciens et les infirmiers pourront dans certaines conditions prescrire des contraceptifs. Que va changer cette loi en pratique, sous réserve de vote définitifs et de publications des décrets d'application ?
Faciliter l'accès à la contraception pour lutter contre les grossesses non désirées
La France cultive un étrange paradoxe : c'est l'un des pays au monde qui possède un des taux les plus élevés d'utilisation de la contraception (75 % des femmes en âge de procréer ont recours à la contraception) mais le nombre d'Interruptions Volontaires de Grossesse (IVG) y reste stable depuis 1975. On compte en effet près de 200 000 IVG chaque année.
Pour lutter contre ces grossesses non désirées et faciliter encore l'accès à la contraception, le gouvernement a souhaité élargir les conditions de prescription de la pilule aux pharmaciens et aux infirmiers (en particulier les infirmières scolaires). Ces professionnels de santé seront ainsi habilités à prescrire un moyen contraceptif dans un cadre précis.
Les nouvelles conditions de prescription des contraceptifs
Jusqu'à présent, seuls les médecins généralistes et les gynécologues étaient habilités à prescrire la pilule et autres formes de contraception (patch, l'implant, le stérilet…) pour une durée de six mois ou à un an maximum.
Ce qui change : pour la première prescription, seuls les médecins restent compétents. En revanche, infirmiers et pharmaciens seront autorisés à renouveler les prescriptions pour une durée maximum de six mois non renouvelable.
Cette extension de loi ne devrait concerner que les pilules de la deuxième génération (la liste des produits concernés devra être établie par l'Agence française de sécurité sanitaires des produits de santé), les plus anciennes. Mais elle va permettre aux jeunes femmes de se faire rembourser leurs moyens contraceptifs par la Sécurité sociale sans passer par leur gynéco ou leur médecin généraliste.
Autre avantage : les infirmières scolaires au contact avec les mineures tout au long de l'année, pourront désormais prescrire la pilule comme les pharmaciens. Elles pourront ainsi améliorer la couverture contraceptive des jeunes femmes et prévenir aux mieux les risques de grossesses non désirées. Chaque année, environ 7000 avortements chez les mineures sont pratiqués en France.
Contraceptifs : bénéfices et limites de ce nouveau mode de prescription
Interrogé sur le bénéfice attendu de cette loi, le Dr Elizabeth Aubény, Présidente de l'Association française pour la contraception, estime qu'il "faut faciliter au maximum la diffusion de ce médicament. Nous sommes très contents car de nombreuses femmes pourront continuer de prendre la pilule sans passer obligatoirement par leur médecin". Un enthousiasme partagé par le Syndicat National des infirmiers conseillers de santé qui félicite le gouvernement de cette initiative, même s'il rappelle son hostilité au projet de loi HPST.
Dans les faits, beaucoup s'accordent à dire que cette nouvelle loi rattrape un décalage entre les faits et la réalité. Les pharmaciens délivrent déjà la pilule pour dépanner des femmes qui ont égaré leur ordonnance, en attendant de régulariser la prescription lors d'un prochain rendez-vous avec le médecin ou le gynécologue…
Par ailleurs, on peut regretter que seules les pilules de deuxième génération (les plus anciennes mais aussi celles qui sont remboursées par la Sécurité sociale) soient concernées par cette nouvelle loi. A contrario, cela protège les femmes d'être orientées vers des pilules plus chères et moins remboursées…
Enfin, rien n'empêche une femme de changer de pharmacien tous les six mois et ne pas passer par la case médecin pendant de très longues périodes, ce qui peut se révéler dangereux. La pilule n'est pas un produit anodin et certaines contre-indications et certains effets secondaires doivent être discutés périodiquement avec la patiente. De plus, ces rendez-vous périodiques permettent plus facilement d'aborder d'autres sujets en rapport avec la santé gynécologique de la patiente (frottis de dépistage, mammographie, etc.).
On l'aura compris : cette nouvelle disposition n'a pas pour but de faire l'économie des visites régulières chez le médecin et/ou le gynécologue mais bien d'améliorer le suivi contraceptif des femmes (et en particulier des jeunes filles) en évitant notamment les ruptures de prescriptions.
Pierre-Yves Castagnac, 16 juin 2009
Source : Doctissimo.fr
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