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SELF PORTRAIT ::: Alexander Faem (Agent 238)

Publié le 20 juin 2009 par Gonzai

Demander à un artiste de se définir en 8 morceaux (playlist) et de tapoter dans la foulée une représentation de soi sur un clavier à touches sans vie est un exercice de style pour le moins difficile. Pour ne pas dire une mission impossible.

Je passe un coup de téléphone en mode incognito (comprendre appel masqué avec lunettes noires de circonstance) pour me sortir de ce guêpier.

« Agent 238 ? »

« Oui », me répondit Alexander Faem à l’autre bout d’un fil imaginaire.

« J’ai une mission pour vous ! », dis-je à brûle-pourpoint ou un truc dans ce style.

L’Agent 238 ne pouvait pas refuser d’inaugurer cette nouvelle rubrique. Je le savais. Un espion ne refuse pas une mission. Exercice réussi avec brio, sans tambours ni trompettes, mais avec des violons et un piano à l’image de l’album (Agent 238) sorti en mai dernier. Autoportrait à la troisième personne pour Alexander Faem:

"Quel exercice plus cruel que l'autoportrait ? Et quelle souffrance de s'y soumettre à la demande d'un journal ? Comment parvenir à parler de lui sans tomber dans l'autodérision ou l'autosatisfaction ?

D'autre part, il n'aime que l'humilité et la réserve... cela vient de son éducation où parler de soi est un défaut et un manque de savoir vivre. Mais il n'a qu'une parole et il se livre donc tout cru à l'oeil critique et moqueur du lecteur.

SELF PORTRAIT ::: Alexander Faem (Agent 238)
Il se considère comme un artisan de la musique, il s'explique... il compose et produit ses albums comme certains sculptent des commodes en merisier. Il n'a aucun compte à rendre à personne, il s'accorde le temps qu'il lui faut et le budget nécessaire.

Il se fiche de savoir si un jour il finira sur une major, il s'est déjà signé tout seul pour une bonne vingtaine d'albums jusqu'à ses 70 ans...

Encore 35 ans de carrière à parcourir, se dit-il.

Il ne tient pas à s'intégrer dans l'industrie du disque et elle le lui rend bien puisqu'elle se passe volontiers de ses services. Ils sont donc quitte !

Il vient récemment de sortir un album qui s'intitule Agent 238 avec la participation d'invités: Clara Enghoff, Julie Fournier, Emmanuel Delacroy, Julien Curé, Alexandre Rouger... C'est un album concept qu'il vous invite à découvrir. Il a conscience que tout est bizarre dans cette histoire.

Il avait envie de se cacher sous une couverture au moment de la sortie car rien n'est formaté dans son travail. Il a peur des journalistes ! Il a compris que faire de la musique représente un véritable danger, un combat contre lui, contre ses peurs, contre les autres, mais il est prêt à livrer ce combat jusqu'à la fin".

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La playlist Alexander Faem

The Trash can sinatras "Outside" (1996)

C'est le premier titre d'un album paru en 1996, il a la particularité d'être complètement instrumental....c'est pour cette raison que je l'ai choisi, pour rompre avec la dictature de la chanson ! Le restant de l'album n'est pas mauvais mais les titres ont la fadeur des albums des Smiths... il y a des personnes qui vont me maudire ! Outside est un stupéfiant morceau, magnifiquement composé, extrêmement mélancolique, mais aussi divinement lumineux. Il marche sur les traces d'un John Barry ou d'un David Whitaker. Je l'ai beaucoup écouté pendant l'enregistrement de l'agent 238 et j'en suis venu à la conclusion qu'un groupe de rock devrait prendre le risque d'écrire des instrumentaux, c'est un exercice de style intéressant et les capacités d'écritures et mélodiques du groupe sont rudement mises à l'épreuve. En outre, il faut le rappeler les rockers n'ont rien de bien subtil dans leurs textes, alors, ils peuvent se permettre d'écrire un instrumental... surtout les groupes français qui écrivent en anglais. Là, je crois que je suis définitivement condamné à mort !

John Cale " Paris 1919 " (1973)

J'ai toujours préféré John Cale à Lou Reed, comme d'autres préfèrent Mc Cartney à Lennon, vraisemblablement pour les mêmes raisons. La rigueur de travail et la simplicité de Cale me séduisent vraiment et en plus ses albums sont bien plus risqués que ceux de Lou Reed. Lennon et Reed se sont inventés des personnalités pour se rendre intéressants... Je sais bien que c'est un avis un peu expéditif, au regard du talent de Lou Reed, un jugement limite puéril mais je l'assume. L'idée d'un album concept m'est venu en écoutant Paris 1919. Grâce à cet album, j'ai su comment orienter les arrangements de cordes avec les guitares, les claviers... sans que tout cela devienne une symphonie pop du pauvre.

The legendary pink dots " Princess Coldheart " (1990)

Ce morceau est extraordinaire et en plus il a l'avantage de faire des économies à tous les toxicomanes de la terre...On écoute ça et c'est bien mieux qu'un joint plein d'herbes ou des pilules de LSD... avis aux amateurs surtout en ces périodes de crises. J'ai l'impression que ce groupe est tombé dans les oubliettes de l'histoire de la pop, injustement associé à une vague gothic-new wave....ils me font plutôt penser à du Syd Barrett au meilleure de sa forme. La première fois que j'ai entendu ce morceau, j'ai eu le sentiment d'atteindre le paradis quelques instants, je me le repasse de temps en temps pour revivre cette sensation unique.

Sparks " Hasta manana Monsieur " (1974)

Je les adore depuis tout petit...Ron Maël m'a toujours fasciné, il est un compositeur exemplaire et je suis impressionné par le personnage de geek à moustache qu'il s'est crée...il fallait oser non ? Surtout en pleine période glam... Les Sparks sont les seuls à savoir mélanger pop et humour avec une classe énorme. En France, ce mélange ça donne la Chanson du dimanche... On est encore à des millions d'années d'avoir les Sparks ! Car en France, on n'a toujours pas découvert le rock, ni le punk, ni le glam et je crois bien que l'humour noir aussi !

William Sheller " Revenir bientôt" (2004)

J'avais simplement envie de rendre hommage à cet artiste, incroyablement sous-estimé en France par le presse branchée. Tous ses albums sont fabuleux et ce titre aux paroles étranges et désespérées me bouleversent. Les thématiques de l'agent 238 ne sont guère éloignées: la disparition, la fuite, le suicide ? J'aimerais qu'il y ait un travail de réhabilitation du "cas" Sheller et si je peux participer à cela....

The Stranglers " Shah Shah a go go " (1979)

C'est l'épineux problème de la chanson engagée....Comment faire une chanson politique sans avoir l'air d'un abruti qui déblatère à la terrasse d'un café ? Je crois qu'il faut être profondément cynique comme les Stranglers pour y arriver...c'est à dire balancer les faits et défendre personne. Faut-il alors avoir la distance nécessaire ? C'est ce que j'ai tenté de faire dans ma chanson Détonnamment vôtre. Pour revenir aux Stranglers, leur chanson se moquait de la crise iranienne de 1979: du soutien des anglais aux Shah pour la sauvegarde de leurs intérêts pétroliers et paradoxalement de l'aide de la France à L'Ayatollah Khomeiny. Qui aujourd'hui arriverait à parler d'un tel sujet sans avoir l'air d'un con ?

Gomez " We don't know where we're going " (2004)

C'est un groupe d'une très grande finesse artistique mais ils sont capables aussi de la pire sauvagerie, ce morceau en est un exemple frappant. D'autre part, j'adore ce titre qui part dans tous les sens et cette surenchère sonore est particulièrement jouissive..."ils ne savent pas où ils sont en train d'aller"... moi non plus ! L'agent 238 aurait pu sonner comme cela si je m'étais pas calmer entre temps...j'avais envie de faire un album beaucoup plus bruitiste. Pour l'anecdote, on m'avait invité à passer des disques dans une boîte parisienne, j'ai ouvert mon set par un morceau de Gomez...toute la piste s'est immédiatement vidée... Mission accomplie !

Gastr Del Sol " Bauchredner" (1998)

Je voulais terminer avec ce titre qui sonne comme une véritable escroquerie musicale. En effet, le titre commence par ces longues plages de guitares folk maladroites et dissonantes, on se demande où le groupe nous emmène, quel est le sens de toute cette répétition musicale ? Et là c'est la fin du tunnel qui surgit, la rythmique se met en place, des accords majeurs aux relents de rock binaire se structurent progressivement et dès le premier contre temps venu c'est la déferlante d'arrangements, basse, batterie, trompette, steel guitare... C'est l'extase absolu. On écoute ce morceau "impuissant" qui raconte l'histoire de la musique, c'est la genèse du morceau pop, de toute idéologie musicale, c'est à la fois l'ancien et le nouveau testament jusqu'à l'apocalypse. Ce qui manque en 2009, ce sont des groupes comme Gastr Del Sol !

Propos d'Alexander Faem recueillis par C. Deodato.

http://www.myspace.com/alexanderfaem


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