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L'homme n'avait plus de nom depuis longtemps. Plus d'âge non plus. On le voyait marcher avec son ombre sur les trottoirs du vieux Marseille, une poche à la main, pour son pain et son jambon, son fromage parfois, acheté chez un épicier à l'ancienne qui faisait des amabilités en rendant la monnaie. Le dimanche matin, il s'offrait sur un coin de terrasse la lecture d'une feuille de chou et trempait longtemps ses lèvres dans un verre de blanc. Des signes de tête saluaient de loin en loin son ombre que grignotait le soleil montant. La patronne du bar disait un jour qu'il était retraité des Postes, l'élevait le lendemain au grade de sous-officier dans le Génie. Un homme bien pour sûr ! Pas bavard mais toujours poli. Soigné de sa personne alors qu'il vivait seul mais où ? Un jour, cet homme n'est pas sorti de chez lui. Des semaines ont passé. Quelqu'un a fini par s'étonner, au comptoir du boulanger ou du bistrot. Mais personne ne savait rien, non. Il avait probablement déménagé, pour se rapprocher de ses enfants. Des mois, des années ont passé. L'homme payait ses factures par prélèvement automatique. Les compteurs d'eau, de gaz et d'électricité se trouvaient sur le palier. Qui a fini par frapper à sa porte, alors que son corps était déjà un squelette, bien droit sur son lit ? Histoire vraie, à Marseille, lue dans une brève, ces jours-ci. L'image jointe est de casafree.com