Dans le cadre de son accompagnement
du prix des Découvreurs, Poezibao publie ici (et publiera dans les
prochains jours) une série de textes et documents liés aux auteurs de la sélection
2008*. Il est d'usage de fournir ces ressources pour chacun des sept
ouvrages sélectionnés.
Je publie aujourd'hui la note de lecture que Georges Guillain a consacrée à La Place du sujet de Florence Pazzottu
(et Giney Ayme pour les photos).
On pourra lire aussi la courte présentation que j’ai faite sur Poezibao de ce même livre et découvrir
de nombreux extraits de poèmes de Florence Pazzottu, ainsi que divers liens la
concernant (lire en particulier l’entretien avec Elke De Rijcke).
Hommage pour commencer à l’éditeur. La Place du sujet est un beau livre. Par la qualité de sa mise en page à l’intérieur de ce format plutôt exceptionnel en poésie qu’est le format à l’italienne, par l’équilibre obtenu entre les superbes photographies en noir et blanc de Giney Ayme et la disposition typographique inventive des textes de Florence Pazzottu, l’ouvrage atteste le professionnalisme et le goût de cette équipe qui fait des éditions de l’Amourier une maison appelée à compter bien au-delà de sa région d’origine. Cela dit, le travail que propose Florence Pazzottu n’est pas facile à définir. Prenant comme point de départ la rencontre d’un lieu doublement associé à son histoire personnelle et familiale : le quartier dit du Panier à Marseille, La Place du sujet se présente à travers l’appellation trompeuse de carnets comme une suite de croquis qui ne doivent pourtant pas davantage à l’art du peintre ou du dessinateur, contrairement à ce que suggère encore l’épigraphe empruntée à Braque, qu’à celui du journaliste ou de l’écrivain reporter. Mixte de vers et de petites proses renforcées parfois de discrets effets calligrammatiques ces carnets sont de fait une combinaison, un mélange de pièces dans lesquelles les notations premières, révisées, redressées, s’approfondissent dans une écriture où la part du sujet sensible et de sa conscience critique, l’emportent le plus souvent sur la simple chose vue, la scène ou le motif.
A l’évidence ce ne sont pas les choses vues – d’ailleurs qu’est-ce que voir – mais bien au-delà des petits comportements ordinaires, ces choses « dont l’absence est comme un trou brûlant au centre de chaque vie » que tente d’approcher ici l’écriture du poète. Libérée des poncifs de nos communs imaginaires, qu’ils viennent de Pagnol ou de J.C. Izzo, l’approche de Florence Pazzottu doit peu au pittoresque. Un petit panier d’herbes et de citrons peut-être quelque part. Puis quelques noms chantants ou parlants de rues. Quelques façons de se traiter. De hurler sur les êtres chers. C’est que le plus souvent ce travail consiste à donner forme et voix à cet espace obscur qui rattache en les séparant les vies les unes avec les autres. La vie d’un père à celle de son enfant mort. D’une enfant complexée par son prénom à des camarades de jeu moqueuses. D’un amant angoissé à sa jeune maîtresse vulnérable… Le plus souvent cela tourne autour d’une difficulté de parole. D’un blanc. D’une sorte de dépossession de l’être dans sa langue. D’une capacité meurtrière aussi qu’ont les mots de revenir sur lui comme des balles perdues qui le frappent au cœur.
Ce que dit alors fondamentalement ce beau texte et jusque dans ses variations de forme, c’est l’irréductible difficulté d’aimer, de vivre dans un monde où la tension des rapports humains, aggravée par le mépris du politique, le métier maladroit de vivre, le manque, fait du sujet cette réalité fuyante et souple, à la recherche de lui-même. Comme une anguille. Si le sujet en nous est bien ce qui nous fait aller, il n’est pas si facile dans la grammaire complexe des jours d’en déterminer à coup sûr la place.
©georges guillain
20 juillet 2007
voir aussi la note de lecture de Florence Trocmé
Florence Pazzottu - Giney
Ayme
La place du sujet
L’Amourier, 55
pages, 19 euros
Florence Pazzottu dans Poezibao :
Note
bio-bibliographique,
extrait
1, extrait
2, extrait
3, extrait
4, extrait
5
extrait
6 et revue Amastra-N-Gallard, extrait
7
lecture
de l'Inadéquat,
lecture
en trio à la Maison de la Poésie de Paris (mars 06), ,
entretien
avec Elke de Rijcke
La
Place du sujet (présentation)
*Rappel de la sélection du prix des Découvreurs
Franck
Venaille : Chaos,
Mercure de France (note
de Georges Guillain)
William
Cliff : Immense existence,
Gallimard, (note
de Tristan Hordé)
Petr Kral :
Pour l’Ange,
Obsidiane
Florence
Pazzottu : La Place du
sujet, l’Amourier
Tahar
Ben Jelloun : Le Discours
du Chameau, Poésie/Gallimard
Francis Ricard : En un seul
souffle, Cheyne
André
Velter : L’Amour extrême, Poésie/Gallimard