On a
suffisamment vu des équipes de France prendre la marée noire en
Nouvelle-Zélande pour ne pas éprouver un sentiment, paradoxal, de
plaisir d’avoir assisté à une rencontre équilibrée, qui
aurait pu nous sourire, et même – surtout – se terminer
par une victoire. Mais quelques rebonds capricieux et un manque de
lucidité à plusieurs reprises en ont décidé autrement.
La Nouvelle-Zélande a donc remporté le deuxième test, sur un score
étriqué, 14 à 10. L’étroitesse du score permet
d’ailleurs aux Français de repartir du Pays au long nuage
blanc avec un magnifique « souvenir » (en français dans
le texte), la Coupe Dave Gallaher qui récompense les vainqueurs de
la série de tests. Après leur succès de cinq points, les Tricolores
ont préservé leur avantage au goal-average.
Les Blacks avaient promis l’enfer, et c’est surtout le
ciel de Nouvelle-Zélande qui a tenu ses promesses. Des conditions
météo démentielles ont accablé le stade de Wellington : pluie
et vent violents ont régné sans partage sur la pelouse. Du côté des
équipes, ce fut plus équilibré. Les carences en touche des Français
les ont empêchés d’avoir des ballons d’attaque
« propre ». Autre fait marquant, les difficultés
éprouvées par les hommes de Marc Lièvremont dans les rucks. Alors
qu’ils avaient été performants dans ce secteur la semaine
passée, les joueurs tricolores ont perdu beaucoup trop de ballons.
Pourtant, les Blacks n’en ont pas vraiment profité. Il faut
dire que les bleus ont encore une fois fait preuve de qualités
défensives remarquables, n’encaissant qu’un seul essai
alors que les joueurs à la fougère ont, à plusieurs reprises, campé
près de la ligne d’en-but du XV de France.
De leur côté, les Blacks, sans être devenus une équipe ordinaire,
n’ont pas le lustre de leurs devanciers. Pire encore, ils
témoignent d’un manque de maîtrise assez incroyable quand on
connaît la tradition néo-zélandaise en ce domaine.
A cet égard, le centre Ma’a Nonu, dont la matière grise est
inversement proportionnelle à la masse musculaire, fut
l’auteur d’un geste inqualifiable sur Cédric Heymans,
le plaquant à retardement de manière violente. Ce geste aurait
mérité davantage qu’une pénalité, un carton dont la couleur
aurait très bien pu être rouge. L’ailier Toulousain a répondu
de la plus belle des manières, par un essai fabuleux, un essai de
funambule, flirtant sur 40 mètres avec la ligne de touche,
mystifiant l’arrière-garde noire à coups de crochets
dévastateurs.
Cet essai, qui ramena les Bleus à un petit point des Néo-Zélandais
en début de deuxième mi-temps, a instillé le doute dans les esprits
Blacks, leur rappelant que ces fichus frenchies sont capables des
exploits les plus incroyables pour renverser des situations
désespérées.
Après une première mi-temps peu satisfaisante, les laissant à huit
points des Blacks, les coéquipiers du capitaine Thierry Dusautoir
ont haussé leur niveau de jeu en seconde. L’un des symboles
de la performance tricolore fut Vincent Clerc, très médiocre (pour
ne pas dire plus) lors des quarante premières minutes, et
transfiguré en seconde. En faisant moins de fautes de mains, en se
montrant plus rugueux dans les rucks, les bleus ont perturbé leurs
adversaires. Maladroits sous les chandelles All Blacks en
première période, ils leur ont fait subir le même supplice en
seconde, se procurant de belles occasions de passer devant au
score.
On pourra donc nourrir des regrets, et se dire qu’avec un peu
plus de réussite et de méchanceté, le XV de France aurait pu gagner
ce match. A cet égard, il va falloir trouver un ou deux teigneux
capables de rentrer dans les côtelettes des avants adverses lorsque
ces derniers se permettent des choses qu’un arbitre
normalement constitué devrait sanctionner. En étant « trop
gentils », les Français ont laissé leurs adversaires faire la
loi dans les rucks.
Mais au-delà des regrets, c’est l’espoir qui doit
dominer. Car ce groupe paraît loin d’avoir exprimé tout son
potentiel. Le chantier de la deuxième ligne reste ouvert, alors que
celui de la charnière semble avoir bien progressé. On aimerait
vraiment que les tricolores en aient gardé sous a semelle pour
affronter les Australiens, dont le jeu plus
« calculateur », plus « scientifique »,
convient assez mal aux Français. Une victoire chez les Wallabies
achèverait de nous convaincre que cette équipe de France a un bel
avenir devant elle.