SAPHO DANS LES FIGURES DE STYLE OU LES ANTONOMASES SAPHIQUES
Je sais ,c'est super long mais ce n'est que du bonheur...Alexis Piron ,que l'auteur du blog Bourgogne Libre a cité,au gré du web je l'ai retrouvé là : http://pagesperso-orange.fr/saphisme/s18/piron.html "le lesbianisme dans la littérature".
Premièrement bien condensé et puis imaginez comme certains pensent,C'est toujours bon.
ALLONS Y !
ET LESBIANISME CONVENTUEL CHEZ ALEXIS PIRON (1689-1773)
Son propre et court épitaphe en dit long sur les rêves d'honorabilité, les complexes d'infériorité ou les élans de fausse modestie et le caractère cynique d'Alexis Piron :
" ci-gît Piron, qui ne fut rien,
Pas même académicien ".
En effet, son Ode à Priape écrit dans sa jeunesse lui ferma à tout jamais l'espoir de porter l'habit vert. L'échec de Baudelaire qui rêva d'entrer à l'Académie française ne peut que de manière posthume consoler ce poète libertin du XVIIIe siècle !
Anne Dubois, fille du sculpteur Jean Dubois et seconde épouse d'Aimé Piron apothicaire poètereau bourguignon, accoucha à Dijon en 1689 d'Alexis Piron. Troisième fils d'Aimé Piron, Alexis fit des études de droit à Besançon. Sur son acte de mariage du 13 avril 1741 qui officialisa sa très longue relation avec Marie-Thérèse Quenaudon, veuve âgée de 53 ans, est inscrite la profession d'avocat en parlement. Vers l'âge de trente ans, Alexis Piron quitta néanmoins la robe et Dijon pour rejoindre la capitale et pour devenir secrétaire d'hommes influents qui lui accordèrent des pensions. Sa réputation littéraire toujours poursuivie par son 0de à Priape commença honorablement avec sa comédie en cinq actes La Métromanie (1738).
Grâce à cette pièce de théâtre, Alexis Piron emploie deux fois "Sapho" dans une figure de style ou de rhétorique : l'antonomase. D'abord, dans la préface de cette comédie, Alexis Piron nous renseigne sur le fait divers, comparable aux amours virtuels induits par le web, qui lui inspira La Métromanie :
Préface de La MÉTROMANIE (1738),
comédie de Alexis Piron (1689-1773)
(…)
Un homme d’esprit, de talent & de mérite, s’étoit diverti pendant deux ou trois ans au fond de la Bretagne, à nous donner le change, en publiant tous les mois dans les Mercures, des pièces fugitives en vers, sous le nom supposé d’une Mlle de Malcrais de la Vigne. La mascarade avoit parfaitement réussi. Ces pièces ingénieusement & joliment versifiées, en droit par conséquent de plaire déjà par elles-mêmes, ne perdoient rien, comme on peut croire, à se produire sous l’enveloppe d’un sexe dont la seule & charmante idée suffit pour disposer les cœurs et la complaisance, & les esprits à l’admiration. La Sapho supposée fit donc honneur & profit à ses Mercures. Elle triompha au point que la galanterie bientôt mit pour elle en jeu la plume de plus d’un bel esprit qui vit encore ; & qui, s’il écrivoit jamais son histoire amoureuse, nous souffleroit assurément cette anecdote. Ils rimèrent des fadeurs à Mlle de Malcrais. Elle, de riposter ; l’intrigue se noue ; les galans prennent feu de plus en plus ; tout alloit le mieux du monde au gré du public amusé ; & la comédie n’étoit pas pour finir sitôt, si notre poëte breton, ayant ri ce qu’il en vouloit, & désirant jouir de sa gloire à visage découvert, n’eût précipité le dénouement en venant mettre le masque bas à Paris. Il y perdit peu sous les yeux du public qui, désabusé par le sexe ; ne rabattit presque rien de ses éloges ; en cela plus sage & plus équitable que nos beaux esprits, chez qui la chose se passa bien différemment, lorsqu’en leurs cabinets, où peut-être ils étoient à polir encore un madrigal pour Mlle de Malcrais, on la leur vint annoncer. Grand cri de joie ! La plume tombe des mains ; les portes s’ouvrent à deux battans ; on vole au-devant de la Muse, les bras en l’air, que… d’ici l’on voit s’abaisser brusquement à l’aspect de M. Des F. M. (I). La politesse, après un court éclaircissement, eut beau les relever pour en venir à la froide accolade ; la barbe du poëte y piqua si fort, qu’on ne lui pardonna point. Il faut dire aussi la vérité : certaine espérance frustrée met de bien mauvaise humeur. On ne se souvint pas que M. Des F. M. eût seulement fait un bon vers en sa vie. Les talens et les éloges tombèrent avec le cotillon. Voilà, s’écrie ici Francaleu, dans la même situation que ce poëte aussitôt méconnu que démasqué :
Voilà de vos arrêts, Messieurs les gens de goût !
L’ouvrage est peu de chose ; & le nom seul fait tout.
(...)
(I) Desforges-Maillard.
[Œuvres complètes illustrées de Alexis Piron publiées avec introduction et index analytique par Pierre Dufay, A Paris chez François Guillot, 7, Rue Perronet, 7 - MCMXXVIII (tome III, pages 40-41].
Alexis Piron utilise une deuxième fois "Sapho" dans l'antonomase du génie poétique féminin. Dans la fin de la scène VIII de l'acte II de la comédie La Métromanie, le poëte Damis et son valet Mondor dialoguent. Le premier avoue être épris d'une "Sapho", jeune femme bretonne qu'il n'a jamais rencontré avec laquelle il échange des poésies publiées dans le Mercure. Son valet Mondor l'accuse de folie !
LA MÉTROMANIE, comédie
Acte II scène VIII
(...)
MONDOR.
Bon ! Ne voilà-t-il pas encore un quiproquo.
De qui parlez-vous donc, Monsieur ?
DAMIS.
D'une Sapho.
D'un prodige, qui doit, aidé de mes lumières,
Effacer, quelque jour, l'illustre Deshoulières ;
D'une fille à laquelle est uni mon destin.
MONDOR.
Où diantre est cette fille ?
DAMIS.
A Quimper-Corentin.
MONDOR.
A Quimp...
DAMIS.
Oh, ce n'est pas un bonheur en idée,
Celui-ci ! L'espérance est saine et bien fondée.
La Bretonne adorable a pris goût à mes vers.
Douze fois l'an, sa plume en instruit l'Univers.
Elle a, douze fois l'an, réponse à la nôtre ;
Et nous nous encensons tous les mois l'un & l'autre.
MONDOR.
Où vous êtes-vous vus ?
DAMIS.
Nulle part. A quoi bon ?
MONDOR.
Et vous l'épouseriez !
DAMIS.
Sans doute. Pourquoi non ?
MONDOR.
Et si c'étoit un monstre ?
DAMIS.
Oh ! tais-toi ! Tu m'excèdes.
Les personnes d'esprit sont-elles jamais laides ?
MONDOR.
Oui ; mais répondra-t-elle à votre folle ardeur ?
DAMIS.
Je suis assez instruit par notre ambassadeur.
MONDOR.
Et quel est l'intrigant d'une telle aventure ?
DAMIS.
Le Messager des Dieux. Lui-même. Le Mercure.
MONDOR.
Oh, oh! bel entrepôt vraiment, pour coqueter !
MONDOR lit.
SONNET DE Mademoiselle Mériadec de Kersic de Quimper en Bretagne, à Monsieur Cinq Étoiles....
DAMIS.
Ton esprit aisément perce à travers ces voiles ;
Et voit bien que c'est moi qui suis les cinq Étoiles.
Oui ! Qu'à jamais pour toi, belle Mériadec,
Pégase soit rétif, & l'Hippocrène à sec ;
Si ma lyre, de myrte & de palmes ornée,
Ne consacre les nœuds d'un si rare hyménée !
MONDOR.
Je respecte, Monsieur, un si noble transport.
Qui vous chicaneroit, franchement auroit tort.
Mais prenez un conseil. Votre esprit s'exténue.
A se forger les traits d'une femme inconnue.
Peignez-vous celle-ci sous quelque objet présent.
Lucile, a par exemple, un visage amusant...
DAMIS.
J'entends.
MONDOR.
Suivez, lorgnez, obsédez sa personne.
Croyez voir & voyez en elle la Bretonne...
DAMIS.
C'est bien dit. Cette idée, échauffant les esprits,
N'en portera que plus de feu dans mes écrits.
Le bon sens du maraud quelquefois m'épouvante.
MONDOR.
Molière, avec raison, consultoit sa servante.
DAMIS.
On se peint, dans l'objet présent & plein d'appas,
L'objet qu'on idolâtre & que l'on ne voit pas.
Aussi bien, transporté du bonheur de ma flamme,
Déjà, dans mon cerveau, roule un épithalame,
Que, devant qu'il soit peu, je prétends mettre au net,
Et donner au Mercure, en paiement du sonnet.
Muse, évertuons-nous ! Ayons les yeux, sans cesse,
Sur l'astre qui fait naître en ces lieux la tendresse !
Cherche, en le contemplant, matière en tes crayons ;
Et que ton feu divin s'allume à ses rayons !
Que cette solitude est paisible & touchante !
J'y veux relire encor le sonnet qu m'enchante.
(Il va s'asseoir à l'écart.)
MONDOR seul.
Quelle tête ! Il faut bien le prendre comme il est.
Voyons ce qui naîtra de ce jeu qui lui plaît.
L'assiduité peut, Lucile étant jolie,
Lui faire de Quimper abjurer la folie.
[Œuvres complètes illustrées de Alexis Piron publiées avec introduction et index analytique par Pierre Dufay, A Paris chez François Guillot, 7, Rue Perronet, 7 - MCMXXVIII (tome III, page 106 à 110)]
Alexis Piron est particulièrement connu également pour ses "œuvres badines".
Dans un conte en vers Le Chapelier, Piron use d’une périphrase au caractère divin et à l’antonomase saphique pour nommer le pénis : « petit dieu dédaigné des Saphos ».
Les fantasmes couventuels des littérateurs s'appliquent à la "religion" saphique : l'exploration de l'anatomie féminine est un jeu de découverte et d'initiation que nous retrouverons moultes fois. Dans le poème "L'Ave Maria", Piron projette ses propres fantasmes ou angoisses péniens sur la dimension du clitoris. (Je crains que les femmes participent à développer une angoisse masculine et accentuent trop inconsciemment "ces jeux de performance") . Les nonettes Sophie et Constance du poème pironien L'Avé Maria mesurent "le chef d'œuvre des cieux"...
L'AVE MARIA
Dans un couvent, deux nonettes gentilles,
Mais dont l'esprit simple, doux, innocent,
Ne connaissait que le tour et les grilles,
Tenaient un jour propos intéressant
De confidence et d'amitié fort tendre.
Notez qu'aucun ne pouvait les entendre.
L'huit clos était. Fillettes de jaser,
De s'appeler et " ma chère " et " ma bonne "
De se donner saintement un baiser,
D'y revenir, sans qu'aucune soupçonne
Que le malin les induit à ce jeu.
Jésus ! ma sœur, dit la jeune Sophie,
Qu'on voit en vous les merveilles de Dieu !
Quelle beauté ! vous êtes accomplie.
Voyez ce sein ! le globe en est parfait .
Que ce bouton de rose là me plaît !
J'y vois la main de la Toute-Puissance.
- Et vous, mon cœur, reprend la sœur Constance,
Peut-on vous voir et ne pas l'adorer ?
Tout est parfait ; tout en vous m'édifie. "
Lors, le pieux examen sur Sophie
Va son chemin ; on admire ceci,
Et puis cela, tant que par aventure,
En certain que la folle nature
Fit à plaisir, l'examen vint aussi.
Pieux élan, obligeamment mystique,
Naît aussitôt de cet objet charmant !
" Ma chère sœur, l'agréable portique !
Le beau dessin ; qu'il est simple et piquant !
- Chez vous, ma sœur lui réplique Sophie,
Mêmes appas, mon âme en est ravie ;
Rien de si beau dit ne s'offrit à mes yeux.
Vous allez rire, il me prend une envie :
C'est de savoir qui de nous deux
A plus petit ce chef d'œuvre des cieux.
- C'est vous ma sœur. - Non ma sœur, je vous jure,
C'est vous. - Eh bien ! prenons en la mesure,
Notre rosaire est tout propre à cela.
On y procède. " Eh ! bien, dit Sophie,
Qui l'aurait cru ? Vous l'avez, chère amie,
Plus grand que moi d'un AVE MARIA ! "
[Œuvres complètes illustrées de Alexis Piron publiées avec introduction et index analytique par Pierre Dufay, A Paris chez François Guillot, 7, Rue Perronet, 7 - MCMXXVIII (tome X, page 168)]
LE CHAPELIER, conte
En Avignon était un chapelier
Des mieux tournés, et plus beau cavalier
Qu’on ne peint le dieu de la guerre ;
En le voyant, femme ne tardait guère
A s’éprendre de si beau lien.
Une comtesse en devint amoureuse ;
Elle souhaita d’être heureuse,
Ce qui lui fit employer ce moyen :
Elle envoya chercher Montagne,
Sous mine de faire un chapeau
A son mari, le comte d’Oripeau,
Qui pour lors était en campagne.
L’Adonis n’était pas si novice en ce point
Qu’il ne jugeât fort bien que l’aventure
Simplement n’aboutirai point
A prendre d’un chapeau la burlesque mesure ;
Aussi dès qu’il eut vu parler
Les yeux mourants de la comtesse,
Il crut qu’au fait il pouvait droit aller,
Sans blesser sa délicatesse.
Par quoi, tirant du bosquet de Paphos
Ce petit dieu dédaigné des Saphos,
Il l’offre aux regards de la belle.
Le compagnon lui plut si fort
Qu’elle voulut en orner sa chapelle.
La galante n’avait pas tort :
Le compagnon était de taille énorme,
Foula comme il faut le castor :
La comtesse fournit la coiffe avec la forme,
Moyennant quoi, le mari fut coiffé
D’un castor fort bien étoffé.
« Quoi ! c’est là tout le stratagème ?
Dit un valet, voyant le drôle à l’atelier.
Ma foi, sans être chapelier,
J’aurai coiffé Monsieur de même. »
[Œuvres complètes illustrées de Alexis Piron publiées avec introduction et index analytique par Pierre Dufay, A Paris chez François Guillot, 7, Rue Perronet, 7 - MCMXXVIII (tome X, page 168)]