Loin de moi l’idée de me prétendre spécialiste en matière de Septième Art, cher lecteur.
Quiconque a une connaissance, même vague, de mes références cinématographiques sait bien que la plupart des (grands et respectables) cinéphiles qui s’expriment régulièrement dans les (tout aussi grands et respectables) monuments de la culture que sont Télérama ou les Inrockuptibles, et qui auraient le malheur de jeter ne serait-ce qu’un oeil sur les titres qui trônent en bonne place dans ma collection de DVD téléchargés dûment achetés et payés rubis sur l’ongle aux requins merveilleux distributeurs que sont Universal ou la Fox, émettraient immédiatement un verdict lapidaire, définitif et sans appel:
-C’est de la merde.
Oui, lecteur.
Je le reconnais, le concède, l’avoue, le confesse et dois l’assumer en te regardant les yeux dans les yeux:
En matière de films, de movies, de películas, d’elokuvat et meme de फिल्म, j’ai ce que beaucoup (à Télérama ou aux Inrockuptibles, mais aussi dans mon immeuble, sur mon lieu de travail et même au sein de ma propre famille) appelleraient volontiers un goût de chiotte.
Depuis ma plus tendre enfance (tu permets que je m’allonge sur ton divan?), je voue un culte immodéré (et irraisonné, dois-je le préciser) à ce que le cinéma a pu produire de plus abject, de plus dégradant, de moins culturellement contributif.
De La Mouche à Massacre à la tronçonneuse, en passant par Toxic Avenger et Les griffes de la nuit, un oedipe mal résolu (ou peut-être un trauma psycho-affectif complexe et refoulé) m’a poussée, bien malgré moi, à visionner tout ce que l’industrie de l’horreur, du gore et de la terreur a produit depuis les années cinquante (même les Godzilla en noir et blanc dans lesquels un figurant boudiné dans un costume de mousse piétine lamentablement des maquettes de Tokyo, oui).
Certains de mes réalisateurs fétiches ont, depuis quelques années, obtenu l’absolution de la critique et gagné l’estime de Télérama (Sam Raimi depuis qu’il engloutit des centaines de millions de dollars dans Spiderman et Peter Jackson avec sa trilogie du Seigneur des Anneaux). Néanmoins, sache-le (je n’en suis pas fière), dans mon coeur perverti par la violence visuelle et dans mon âme flétrie depuis longtemps par les forces obscures et ténébreuses de la sociopathie, ils resteront à jamais les auteurs d’Evil dead et de Bad taste, deux monuments à la gloire de la tripaille, de l’éviscération, de l’hémoglobine généreusement dispensée et du démembrement convivial.
Aussi, cher lecteur, j’en viens à ce qui me préoccupe aujourd’hui.
Car aujourd’hui est un jour à marquer d’une pierre blanche.
Pour la première fois de mon existence vile et contre-productive, lecteur, je me refuse à aller voir un film en raison de sa charge horrifique trop importante.
Moi qui (je m’en souviens encore, et le rouge me monte aux joues) ai dégusté une pizza quatre fromages et englouti deux verres de soda sans broncher pendant la scène d’écartèlement d’Hitcher (l’original de 1986, pas le remake, j’ai un goût de chiotte mais j’ai aussi des limites), moi qui n’ai point frémi lorsque la petite Reagan vomissait de la purée d’épinards (à moins que ce ne fussent des poix cassés) à la figure de Max Von Sydow dans l’Exorciste, moi qui ai à peine cillé pendant que de joyeux cannibales se partageaient le corps encore pantelant d’un malheureux aventurier (joué par un illustre inconnu qui, depuis, n’a pas connu la carrière qu’il méritait), voilà que je me retrouve parfaitement incapable de pénétrer dans une salle obscure, les tripes nouées par l’appréhension, anticipant un spectacle que je ne pourrai supporter.
Non, décidément.
Je ne peux pas.
Peut-être est-ce l’effet Da Vinci Code, où déjà, la simple vision de la coupe Playmobil de Tom Hanks avait suffit à me faire frémir d’horreur et à me donner la nausée (sans parler du fait, bien évidemment, que le livre lui-même est une grosse merde et qu’Audrey Tautou est au cinéma ce que Findus est à la gastronomie cinq étoiles).
En tout cas, je n’irai pas voir Jeux de pouvoir.
Non.
C’est au-dessus de mes forces.
Il y a dans ce film, outre une série de carnages capillaires tout à fait insupportables (Russel Crowe se métamorphosant en Jean-Pierre François est, à mes yeux, bien plus terrifiant que David Kessler se changeant en loup-garou), il y a disais-je, un je-ne-sais-quoi d’encore plus angoissant.
Quelque chose qui éveille en moi les fantasmes les plus ignobles, les images les plus insupportables, les idées les plus barbares.