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Pierre Mendès France et la guerre d'Algérie : Ah, si on lui avait fait confiance…
Publié le 19 juin 2009 par GezaleEric Roussel, président de l'Institut Pierre Mendès France a organisé, ce vendredi matin, un séminaire sur le thème : « Pierre Mendès France et la guerre d'Algérie. » Deux historiens de renom et de grande qualité ont animé cette rencontre dans la salle du conseil municipal de Louviers, laquelle porte justement le nom de l'ancien maire de notre ville, ancien président du Conseil.
La « guerre » d'Algérie qui ne portera officiellement ce nom qu'après un vote du Parlement en 1999 a débuté à la Toussaint 1954 alors que Pierre Mendès France était le chef du gouvernement. Bien malin qui, alors, pouvait prévoir que huit ans plus tard, les accords d'Evian seraient signés accordant l'indépendance à l'Algérie et signifiant le retour d'1,2 millions de Français sur le territoire métropolitain.
Ce qu'il faut retenir de l'attitude de Pierre Mendès France, c'est d'abord sa volonté de rendre dignité et citoyenneté aux populations musulmanes. C'est, ensuite, sa prise de conscience progressive des erreurs commises par les gouvernements qui lui ont succédé menant inéluctablement à l'indépendance. C'est, enfin, le souci qu'il manifesta de protéger autant que faire se peut les Français d'Algérie rapatriés en 1962. Ses discours et prises de paroles de 1956 à 1958, et c'est encore plus vrai ensuite, insistent sur l'absolue nécessité de dialoguer, de négocier, de trouver des solutions entre les Français et les Algériens. Dès 1955, PMF affirme « que si les promesses avaient été tenues La France serait passée sans encombres de l'ère des empires à celle des fédérations de peuples libres. » Le 23 mai 1956, Pierre Mendès France démissionne du gouvernement pour protester contre la politique du gouvernement qui fait le contraire de ce qu'il a promis. Il abjure Guy Mollet de cesser l'épreuve de force, de mettre un terme à la torture, de rechercher les voies de l'apaisement par des mesures concrètes qu'il s'agisse des institutions, du travail, de la citoyenneté.
Mais il est déjà trop tard. L'indépendance est en marche. Benjamin Stora et Irwin Wall ont bien démontré pourquoi les atermoiements, les hésitations, les ambiguïtés de la politique française et surtout l'art du mensonge — excepté Pierre Mendès France — ont conduit notre pays dans le mur. Ils ont souligné pourquoi le général de Gaulle, malgré son discours de septembre 1959 sur « la Paix des braves », n'a pas su ou pas pu réaliser la paix avant 1962.
Je souhaite publier ces quelques lignes de PMF. Elles datent de novembre 1957. Elles sont extraites d'un discours qu'il prononce devant le congrès radical de Strasbourg. Il s'adresse en ces termes au nouveau président du Conseil : « Supposez que demain, au lieu de vous embourber dans un débat misérable sur la loi-cadre, vous déclariez que, dès maintenant, vous allez tenir les promesses anciennes, rendre aux musulmans les droits dont ils sont dépouillés, sortir des camps de concentration où ils pourrissent, ces intellectuels, ces hommes des classes moyennes qui doivent être vos interlocuteurs, supposez que vous leur donniez des libertés, la liberté de la presse, la liberté syndicale, qu'ils puissent désormais mener une vie d'hommes libres, égaux et respectés — supposez que vous supprimiez une fois pour toutes ces horribles ateliers de torture — je vous le demande, quelle majorité osera vous dire non et osera vous renverser ? »
On connaît la suite : le coup d'Etat du 13 mai, le putsch des généraux, le terrorisme de l'OAS, la paix si tardive et si chaotique…Pierre Mendès France na jamais été un bradeur d'empire. Il a été lucide, conscient de la marche de l'histoire et très tôt convaincu que c'est en rendant leur dignité aux hommes que la politique trouve la sienne.
Nos photos JCH : Benjamin Stora et Irwin Wall