Christian Bouyer : "Les reines de France"
Quatrième de couverture : "De Basine, mère de Clovis, à Marie-Amélie de Bourbon-Sicile, femme de Louis-Philippe et dernière reine, que savons-nous des 114 souveraines qui furent les premières dames du royaume ? La loi salique, en 1328, a confirmé leur rôle d'épouse du roi. Mais si le trône leur était refusé, leur image symbolique fut immense, leurs privilèges étendus, et leur influence souvent majeure : par les terres qu'elles apportaient en dot à la couronne, les alliances politiques qu'elles contribuaient à créer, les héritiers qu'elles donnaient à la dynastie, leur participation aux réalisations culturelles ou religieuses ; et par leur relation directe avec le roi, officielle ou secrète, mais presque toujours déterminante. Certaines ont même dirigé l'Etat comme régentes. Christian Bouyer déroule une galerie de portraits - 43 mérovingiennes, 22 carolingiennes, 49 capétiennes - comme autant d'épisodes romanesques, vivants, émouvants, inattendus. Tableaux, illustrations, statistiques sur l'origine géographique des souveraines, sur la durée de leur mariage et leur fécondité complètent ce livre foisonnant, qui ressuscite des pans célèbres ou oubliés de l'histoire de France."
Ces annales regroupent donc les reines de différentes dynasties, depuis Basine, épouse de Childéric et mère de Clovis, jusqu'à Marie-Amélie de Bourbon-Sicile, l'épouse de Louis-Philippe. Chacune d'elles fait l'objet d'une chronique plus ou moins longue, en fonction de l'abondance de la documentation qui la concerne, de la durée et de l'intérêt de sa vie et de son règne. Des choix ont été établis afin de déterminer lesquelles, parmi les épouses des souverains, devaient avoir les honneurs de cet inventaire. Les impératrices ont été écartées d'office (pourquoi ? Mystère, je ne suis pas historienne). En revanche, les reines des royaumes francs ont été chroniquées, alors qu'elles n'étaient pas véritablement reines de France, mais reines des Francs dans le meilleur des cas, ou encore reines de petits royaumes comme la Neustrie, l'Austrasie ou la Bourgogne. Certaines femmes de rois ont été, avec raison, mises de côté, parce que, décédées ou séparées de leurs époux respectifs avant que ceux-ci soient couronnés, elles n'avaient pas exercé de règne. Alors, comment expliquer que Marguerite de Bourgogne et Blanche d'Artois aient droit chacune à une notice, alors qu'elles étaient toutes deux emprisonnées pour adultère avant même l'accession de leurs époux (respectivement Louis X Le Hutin et Charles IV Le Bel) au trône, et qu'elles n'ont donc pas été couronnées ni sacrées à cette occasion ? Durant le laps de temps où elles étaient encore légalement unies à leurs époux respectifs tandis que ces derniers régnaient sur la France, avant la mort de Marguerite en 1315 et la répudiation de Blanche en 1322, Christian Bouyer considère qu'elles ont été reines (cela devait leur faire une belle jambe...)
Pour la petite histoire, Marguerite et Blanche, qui étaient à la fois cousines et belles-soeurs, puisque mariées à deux des fils de Philippe IV Le Bel, se sont adonnées à l'ivresse des sens durant quelques années dans la tour de Nesle, avec leurs amants Gautier et Philippe d'Aunay (à chacun sa chacune, n'allez pas imaginer le pire !) Elles bénéficiaient de la discrétion de Jeanne d'Artois, soeur de Blanche et épouse d'un autre prince, le futur Philippe V Le Long. Lorsque le scandale a éclaté, les coupables ont été châtiés : les deux frères torturés et exécutés, leurs maîtresses mises au cachot, et même Jeanne a été inquiétée et embastillée quelque temps pour avoir tu les faits.
On en apprend donc beaucoup sur la petite et la grande Histoire, dans ce catalogue des souveraines. Entre autres que les reines n'avaient de pouvoir qu'autant qu'on - leur époux, ou bien les circonstances - voulait bien leur en consentir. Naturellement, on s'en serait douté, mais cela permet, en passant, de tordre le cou à une idée, répandue parmi les pourfendeurs du féminisme, selon laquelle les femmes auraient toujours gouverné le monde tout en restant dans l'ombre... Idée reçue aussi inepte que tenace : si les femmes avaient détenu le pouvoir réel, effectif, pourquoi auraient-elles accepté de rester dans l'ombre, et pourquoi se seraient-elles ensuite rebellées contre leur condition, pourquoi auraient-elles réclamé l'égalité ?
Cet ouvrage permet également aux ignares (dont je suis) de se réconcilier un peu avec la chronologie des règnes et des événements. Autre avantage, plus futile sans doute, le nombre impressionnant de prénoms originaux qu'on peut y dénicher - principalement aux débuts de l'ouvrage; passé le Haut Moyen Âge, ils se font rares et dès avant la Renaissance, on n'y croise plus que des grands classiques, Anne, Louise, Marie, Elisabeth, et leurs composés. Bien entendu, si vous cherchez un joli prénom médiéval pour une petite fille, vous ne vous laisserez pas forcément tenter par Radegonde, Blichilde ou Marcatrude. Mais, si vous êtes un-e disciple d'Amélie Nothomb, et que vous cherchez à affubler vos personnages de noms improbables voire importables, tout en étant historiquement datés, ce livre sera pour vous un fidèle allié !