Daniel Griswold - le 17 juin 2009. Après cinquante ans, l’embargo américain datant de la guerre froide à l’encontre de Cuba semble enfin se détendre. Alors qu’au début du printemps l’Administration Obama avait relâché ses contrôles sur les voyages et les transferts d’argent de cubains-américains à destination de l’île communiste, la semaine dernière elle a accepté d’ouvrir la porte à la ré-entrée de Cuba dans l’Organisation des États Américains.
L’admission de Cuba dans l’OEA est sans doute prématurée, étant donné que la charte de l’organisation requiert que ses membres soient des démocraties qui respectent les droits de l’homme, mais les changements en matière d’embargo US sont par contre depuis longtemps justifiés.
L’embargo a en effet été un échec à tous points de vue. Il n’a pas changé le cours des choses ni la nature de l’État cubain. Il n’a pas permis de libérer un seul citoyen cubain. En fait, l’embargo n’a fait qu’appauvrir un peu plus le peuple cubain, sans lui donner une once de liberté supplémentaire. En même temps, il a privé les américains de leur liberté de voyager et a coûté aux agriculteurs et autres producteurs américains des milliards de dollars d’exportations potentielles.
En tant qu’instrument de la politique extérieure américaine, l’embargo a renforcé la position du gouvernement Castro en lui donnant une excuse pratique pour les échecs du socialisme à la caribéenne. Les frères Fidel et Raul peuvent déblatérer pendant des heures sur ce qu’inflige l’embargo aux cubains, même si les dommages causés par leur politiques communistes sont en réalité bien pires. L’embargo n’a pas permis aux USA d’avoir une quelconque influence sur ce qui se passe à La Havane.
En 2000, le Congrès américain avait approuvé une ouverture modeste sur l’embargo. Le Trade Sanctions Reform and Export Enhancement Act (la loi sur la réformes des sanctions commerciales et la promotion des exportations) permet des ventes, en espèces seulement, vers Cuba, de produits agricoles et médicaux américains. Les résultats de cette ouverture modeste ont été assez impressionnants. Depuis 2000, les ventes totales de produits agricoles vers Cuba sont passées de zéro à 691 millions de dollars en 2008. Les premières exportations en valeur sont le maïs, la viande et les volailles, le blé et le soja. Cuba est désormais le sixième client des agriculteurs US en Amérique latine. L’année dernière, les agriculteurs américains ont plus vendu aux 11,5 millions d’habitants de Cuba qu’aux 200 millions du Brésil.
Selon l’USITC, la commission américaine pour le commerce international, les exportations agricoles américaines s’accroîtraient encore de 250 millions de dollars si les restrictions au financement des exportations étaient levées. Ceci ne doit pas être interprété comme une défense de la subvention de la banque import/export. En effet, le commerce avec Cuba doit être entièrement fondé sur le marché. De telle sorte que la levée de l’embargo ne doit pas signifier que les contribuables américains doivent désormais subventionner les exportations américaines vers Cuba.
Les estimations de la même Commission ne traduisent cependant pas le potentiel de long terme des exportations US vers Cuba du fait de relations normalisées. Les Bahamas, la République Dominicaine, le Jamaïque et le Guatemala dépensent en moyenne 2,8% de leur PIB en importations agricoles en provenance des USA. Si Cuba dépensait la même part de son PIB en importations agricoles américaines, ces dernières pourraient plus que doubler par rapport au niveau actuel, pour atteindre 1,5 milliard de dollars par an.
Les avocats de l’embargo aux Etats-Unis soutiennent que commercer avec Cuba ne fera qu’empiler des dollars dans les coffres du régime Castro. Et il est vrai que le gouvernement de La Havane, parce qu’il contrôle l’économie, peut récupérer une large partie des dollars de versements en provenance de la diaspora et du tourisme dépensés à Cuba. Mais en même temps, la vente de produits américains à Cuba débarrasserait rapidement le régime Castriste de ces mêmes dollars.
SI plus de touristes américains avaient le droit de visiter Cuba, et si en même temps les exportations US vers Cuba étaient encore plus libéralisées, l’économie américaine pourrait récupérer des dollars du régime Castro aussi rapidement que ce dernier ne les a acquis. L’échange serait ainsi « produits agricoles » contre « tourisme », une relation commerciale fondée sur « loisir contre nourriture ».
En même temps l’augmentation du nombre d’américains visitant Cuba accroitrait de manière spectaculaire le contact entre les Cubains et les Américains. La relation unique américano-cubaine d’avant Castro pourrait se renouveler, ce qui au passage accroîtrait l’influence américaine et hâterait sans doute le déclin du régime communiste.
Le Congrès américain et le Président des Etats-Unis Barack Obama devraient agir à présent de sorte à lever l’embargo pour permettre plus de déplacements et d’exportations vers Cuba. Accroître la liberté de voyager vers, de commercer avec et d’investir à Cuba serait un plus pour les américains et aiderait le peuple cubain, rapprochant ainsi le jour où les cubains pourront enfin savourer la liberté qu’ils méritent.
Daniel Griswold est directeur du centre pour les études de politique commerciale au Cato Institute à Washington DC.