Un homme a déposé en France une plainte avec constitution de partie civile pour les violences et dénonciations calomnieuses qu’il aurait subies de la part de son épouse alors qu’ils se trouvaient à l’étranger (à Singapour puis à Londres). Une ordonnance d’irrecevabilité de la plainte fut rendue par le juge d’instruction au motif que, selon l’article 113-8 du Code pénal, seul le ministère public était compétent pour prendre l’initiative des poursuites (éventuellement après une plainte simple) pour des faits qui se sont déroulés à l’étranger. La Chambre de l’instruction saisie en appel ainsi que la Cour de cassation confirmèrent l’ordonnance.
La Cour européenne des droits de l’homme refuse ici que l’allégation de violation du droit d’accès à un tribunal (Art. 6), principal grief du requérant, dépasse le stade de la recevabilité. Certes, elle ne fait pas droit à l’incompatibilité ratione materiae soulevée par le Gouvernement français car elle estime que la plainte du requérant, qui « ne visait pas exclusivement un but vindicatif, mais […] avait également un objet indemnitaire » (§ 28), entrait bien dans le champ de l’article 6. Cependant, sur un autre plan, les juges européens jugent manifestement mal fondé et donc irrecevable (Art.35) le grief basé sur le défaut d’accès à un tribunal, confortant au passage la conventionalité de l’article 113-8 du Code pénal. En effet, cet article réserve au seul parquet le soin de décider de l’opportunité des poursuites pour des faits commis à l’étranger. Or, la Cour reconnaît que ce dispositif vise à tenir « compte des difficultés auxquelles se heurtent les enquêteurs pour diligenter des investigations en territoire étranger » et qu’« il ne fait [donc] pas de doutes que cette exclusivité de compétence concourt à la bonne administration de la justice dans la mesure où elle vise à éviter que l’action publique ne soit mise en mouvement pour des faits dont l’élucidation ou la poursuite s’avèrent compromis » (§ 32).
Par ailleurs, et dans le cadre plus particulier des faits de l’espèce, la Cour renforce son constat d’absence d’atteinte au droit d’accès à un tribunal en soulignant que le parquet n’avait de toute façon pas l’intention de poursuivre l’épouse du requérant (§ 33) et qu’au surplus ce dernier n’avait pas utilisé la possibilité qui lui était ouverte de saisir les juridictions civiles (§ 34).
Cette affaire donnera toutefois lieu à une condamnation de la France pour une violation désormais classique de l’article 6 (v. Cour EDH, Gde. Chambre 31 mars 1998, Reinhardt et Slimane-Kaïd c. France req. n° 23043/93) : le rapport du conseiller-rapporteur devant la Cour de cassation fut communiqué à l’avocat général et non au requérant, ce qui est contraire au principe d’égalité des armes dans le procès (§ 44 - après quelques résistances, la Cour de cassation a fait évoluer ses pratiques afin de respecter cette exigence européenne).
Ajout CPDH: le rapporteur public devant les juridictions administratives sera-t-il le prochain à être slimane-kaïdisé dans UFC Que choisir de Côte-d’Or?
Actualités droits-libertés du 12 juin 2009 par Nicolas HERVIEU
Laudette c. France (Cour EDH, 5e Sect. 11 juin 2009, req. n° 19/05 )