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Ici Londres

Publié le 18 juin 2009 par Clarabel

sur une idée originale de Vincent Cuvellier
illustrée par Anne Herbauts
texte historique : Aurélie Luneau
musique : Olivier Mellano

ici_londres

Caché dans la remise à bois, un jeune garçon écoute clandestinement le poste à galène de son père d'où s'égrènent des messages, drôles ou oniriques. C'est une époque de guerre et d'interdits. Il faut se cacher pour écouter les programmes diffusés depuis Londres et tendre l'oreille pour deviner les voix, assourdies par le brouillage. Mais, à cette époque-là, la radio diffuse de la poésie et les mots sont des armes.
On appelle ça des « messages personnels ». Écouter la radio n'est pas un acte anodin. Derrière ces phrases codées qui dessinent un voyage imaginaire jusqu'à l'annonce du débarquement en Normandie et le rêve plus concret d'une paix prochaine, se trament des largages d'armes, des transports clandestins, des appels à la résistance. Par-delà les années, les voix de Londres font une musique étrangement actuelle à nos oreilles.
(quatrième de couverture)

Le père La Cerise est verni. Poussière tu te soulèves. Raymonde cueille des olives. La chicorée est améliorée. La laitue est romaine. Le cheval bleu se promène sur l'horizon. Marie est sage. La vie est rose. Le traversin est en duvet. Les sillons sont en courbe. Grand-mère mange nos bonbons.

Qu'entendez-vous ? Des phrases inattendues ? Des messages sans queue ni tête ? Au début c'est vrai, ça fait rigoler. Et puis il faut se rendre compte qu'écouter la radio, en ce temps-là, n'était pas anodin. Il fallait se cacher. Se méfier. Et c'était pas pour rire non plus. Le moulin à paroles pouvait causer, ça signifiait bien quelque chose. Pour qui ? pourquoi ? A qui ? A-t-on imaginé ce qui se passait dans la tête d'un môme qui entendait à la radio une voix inconnue répéter trois fois la même phrase ? Et même maintenant... on sait toute l'histoire, on connaît la fin du film mais on ignore l'émotion de l'instant présent, pris entre la peur, l'excitation, la surprise et l'interrogation. Le 18 juin 1940 De Gaulle lance son appel, depuis la radio de Londres, à la France libre et aux français qui refusent l'occupation par l'ennemi. Ce message a été peu entendu sur le moment, mais la presse a publié cet appel dès le lendemain. Dès lors, la résistance s'organise et la BBC va servir de boîte aux lettres.

Sur son blog, Vincent Cuvellier explique la genèse de ce beau projet. Tout est parti de la poésie et de la bizarrerie, dans la tête d'un môme. Ensuite, avec des rencontres, des idées, des pinceaux et des crayons, de la musique et du talent, quatre auteurs et quatre voix se mettent au service d'Ici Londres.   

Le prologue est signé Vincent Cuvellier, puis se succèdent 17 étranges phrases illustrées par Anne Herbauts comme autant de scènes sorties de son imagination. Se glisse au milieu un livret historique, comme un journal, signé par Aurélie Luneau, historienne, qui explique plus en détails le contexte et l'importance des messages radio, l'émission les Français parlent aux Français, la guerre des ondes, l'appel du 18 juin, etc. Et vient enfin la musique d'Olivier Mellano (sur un cd d'une durée de 20 minutes) qui permet au lecteur de porter l'oreille à ces messages radio et à se glisser dans ce moment d'Histoire si particulier.

Ce n'est pas un album facile, pas donné à tout le monde, du genre qui ne délivre pas ses secrets tout de suite... Il faut le découvrir petit à petit, l'effeuiller, le cajoler, l'enjôler, ou bien c'est l'inverse. C'est à lui d'embobiner le lecteur, de lui raconter son histoire, de l'émouvoir. Chacun y trouvera son compte. Ce livre existe pour interroger, pour se questionner. Pour ne pas oublier. Pour comprendre ou non. Pour admirer aussi. Car c'est un album d'utilité publique. Pas moins ! C'est à sa façon une trace, une continuation, un oeil par-dessus l'épaule. Un objet curieux, de prime abord. Un album intelligent et subtil, pour le fond.
Par contre j'ignore pour quelle tranche d'âge il se destine. Pour tous, j'ai envie de penser...

Rouergue, coll. Varia, 2009 - 32 pages - 22€

Le drôle de monde d'Anne Herbauts


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