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Ils sont nombreux autour de nous. Ils ont un don: la joie. Comme une fleur son parfum ou le soleil sa chaleur. Auprès d’eux, le tout bon s’éveille, pépie, gazouille. Ca se met à danser dedans. On est saisi. Les porteurs de joie viennent enluminer les marges de nos carnets de vie. Ce sont des vitraux qui éclairent nos entrailles. Le smog mental se dissipe. On se demande pourquoi on ne s’est pas ébroué plus tôt.
Malheureusement, ils ne font que passer, et les belles couleurs avec eux. On se désaccorde à nouveau. Comme des asthmatiques de la joie, on peine à raviver la braise. Le sourire se crispe, les rhumatismes psychiques recommencent à nous faire mal. Ca grippe. On relit la notice d’un des innombrables magazines ou livres de psychologie. Mais on patine sur les conseils des autres, par manque d’adhérence sur son propre terrain. La différence entre nous et les porteurs de joie tient au souffle.
J’aimerais saluer trois porteurs de joie que j’ai rencontrés au mois de janvier : un généticien, une animatrice dans un foyer de personnes âgées, un écrivain.
Commençons par une causerie radiophonique avec le généticien Denis Duboule sur les ondes de la RSR. L’homme est calé. Papable pour le Nobel. Et tout doué pour la vie. Pas besoin de chercher longtemps : lui, il cultive le gène de la joie. Avec ses élèves, il ne se fait aucune illusion. Ils ne retiendront rien – ou presque – si ce n’est l’élan qu’il aura su leur transmettre, son enthousiasme, sa passion pour la recherche. Pour quelques-uns, il aura illuminé le début du sentier. Nous sommes nombreux à pouvoir évoquer un professeur, à l’école ou à l’université, qui avait le don du don de joie. Avec eux, l’heure de cours ne s’écoulait plus le regard vaquant par la fenêtre. Ils avaient quelque chose à nous dire, quelque chose qui allait bien plus loin que la matière : l’esprit. Ils créaient une fête dans un coin de notre cerveau. Les neurones papillaient. Ces maîtres – nous en avons aussi en occident– ne se contentaient pas uniquement de faire honnêtement leur travail. Avec eux, ça sentait le délit, l’aventure, le casse. Rien de pépère. Pas de Verlaine pour les cinquante prochaines années. Parce que des gènes au Roman de Renart en passant par Freud, il y a de quoi inquiéter et éveiller.
Passons de la salle de classe au salon d’un EMS. Une petite bonne femme toute ronde, cheveux noirs, voix de ténor déboule et va s’asseoir à une table autour de laquelle viennent se réunir, minute après minute, une ribambelle de vieilles dames. L’une amenant son tricot, l’autre un journal ou encore sa tremblote. Cahin-caha, la majorité des pensionnaires se sont retrouvées là. Comme des papillons attirés par la lumière. Une vraie cheffe d’orchestre cette animatrice ! Accordant de l’attention à tous. Tenant compte des moyens de chacun. Les faisant toutes participer. Même Dame Iguane – je l’appelle ainsi à cause de sa langue qu’elle sort à tout moment, comme si elle voulait attraper un moustique. La présence tonifiante de Dame Animatrice, sa bienveillance et sa patience enjouée ramenait à la vie toutes ces lazarettes en puissance.
Pour finir, j’aimerais brièvement évoquer Jean-Louis Kuffer qui éclaire ses lecteurs depuis la rampe de lancement de son blog, avec des fusées de toutes les cultures, de tous les styles, de toutes les écritures. Cet homme, c’est du torrent de montagne, du pur. Du verbe matière, du verbe violent comme la chair en émoi, au doux murmure d’une mère berçant son enfant, son chant couvre plusieurs octaves. Sourcier sur les hauteurs de la Désirade, où il vit, il partage avec qui veut bien l’entendre l’arrivée de l’œuvre nouvelle. Que de fois son ardeur filante m’a requinqué, m’a redonné courage sans même qu’il ne le sache.
Ses vœux pour l’année nouvelle n’avaient pas la pauvreté d’un sms perdu sur le réseau:
- Pour l’année à venir, ceci seulement : on continue. C’est écrit sur les jointures des mains des pêcheurs aux lourds filets en deux fois cinq lettres : tenir ferme.
Jean-Louis Kuffer, Madame Lève-Lazarette ou Denis Duboule sont des pêcheurs d’homme. Nonchalant de savoir s’ils prêchent dans le désert, ils nous convient à une vie à plus haut sens.
- Un pas de plus-
Un entretien à la RSR avec Denis Duboule et un reportage de la TSR.
La blogosphère de Jean-Louis Kuffer.
Pour Dame Animatrice, rendez visite à une personne âgée.