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Un nouveau "nouveau Moyen-Orient" ?

Publié le 18 juin 2009 par Unmondelibre

Leon Hadar - le 18 juin 2009. En juillet 2006 la Secrétaire d’État américaine de l’époque, Condoleeza Rice se déplaçait au Liban pour tenter de mettre un terme à la guerre faisant rage entre Israël et le Hezbollah. A l’époque, elle essaya de vendre aux journalistes à Washington une interprétation quelque peu bizarre de la violence non seulement au Liban mais aussi en Irak et en Israël et Palestine. Elle expliquait : « Ce que nous voyons là-bas ce sont d’une certaine manière les douleurs d’accouchement d’un Nouveau Moyen-Orient, et quoi que nous fassions, nous devons être certains de pousser pour un Nouveau Moyen-Orient, et non pas revenir au Vieux Moyen Orient ».

En effet, l’Agenda de la Liberté de l’Administration Bush défiait le statu quo du « Vieux » Moyen-Orient en usant de la puissance militaire et diplomatique des Etats-Unis pour promouvoir la démocratie en Irak (en chassant Saddam Hussein et en tenant des élections libres), au Liban (en forçant la Syrie à retirer ses troupes et en organisant des élections) et dans l’Autorité Palestinienne (en faisant pression pour des élections). Ce processus était censé produire des réformes politiques dans le reste du Moyen-Orient, y compris en Iran.

En ignorant les leçons de l’histoire et en faisant fi des avertissements à propos des obstacles d’une campagne visant à implanter la démocratie à l’occidentale à la pointe du fusil, l’administration Bush a aidé par inadvertance à la naissance d’un « nouveau » Moyen-Orient en Irak, au Liban et en Palestine qui était d’une certaine manière moins pacifique, moins tolérant et moins démocratique que prévu. Et ces efforts ont eu pour effet de renforcer l’Iran.

Le Président Obama semble favoriser une approche plus réaliste au Moyen-Orient qui repose sur le dialogue diplomatique américain auprès des régimes existants dans la région. C’est sans doute une bonne nouvelle. L’équipe Obama a minimisé l’importance de l’exportation de la démocratie « à l’américaine ». Nonobstant la forte rhétorique dans son allocution au Caire, Obama semble revenir au « Vieux » Moyen-Orient. Son rejet des grands projets néoconservateurs de lutte contre l’ « islamofascisme » et du remodelage du Moyen-Orient, comme son engagement à raviver le processus de paix israélo-palestinien ont contribué à faire reculer l’anti-américanisme tout en renforçant les acteurs qui favorisent des liens plus forts avec les Etats-Unis et l’Occident.

De ce point de vue la victoire d’une coalition pro-occidentale aux élections parlementaires au Liban tout comme le dynamisme des forces réformistes durant la campagne électorale iranienne pourraient être attribués en partie à l’impact que le message d’Obama a eu sur les groupes politiques prêchant le changement politique et l’ouverture au monde. Ces acteurs n’ont plus vraiment à être inquiétés par le fait d’être perçus comme des marionnettes d’une Amérique anti-musulmane et belliqueuse.

Mais le discours du Caire ne doit pas être non plus vu comme une rampe de lancement pour une nouvelle campagne américaine plus modérée, faisant usage du « soft power » ce coup-ci, pour démocratiser le Moyen-Orient.

Biensûr, Washington et ses alliés doivent se sentir rassurés que la coalition menée par le Hezbollah, et soutenue par l’Iran, n’ait pas obtenu le leadership lors des élections libanaises. Mais le résultat de l’élection ne doit pas être mal interprété comme une victoire de la démocratie libérale. D’abord, le système confessionnel qui existe au Liban aide à assurer le pouvoir des groupes religieux reconnus, sur une base démographique qui date du recensement de… 1932. Ensuite, dire que coalition gagnante représente nécessairement les valeurs libérales ne tiennent pas quand on sait le soutien financier considérable qu’elle a reçu … de l’Arabie Saoudite, un régime autocratique moyenâgeux qui – contrairement à l’Iran d’ailleurs, ne permet pas aux femmes de voter.

En fait les élections au Liban et en Iran (comme les précédentes en Irak et pour l’Autorité palestinienne) soulignent le fait que la campagne pour la démocratie – et en particulier la pression pour tenir des élections, ne va pas forcément dans le sens des intérêts américains au Moyen-Orient. Ces élections ont donné le pouvoir à des groupes sociaux, y compris les ouvriers et les pauvres des campagnes, qui tendent à être plus conservateurs, plus religieux et plus nationalistes dans leur vision politique et qui ne partagent pas nécessairement les valeurs plus libérales et laïques de l’Occident.

Voyant des hommes et des femmes, jeunes et « cools » manifester à Téhéran en faveur du « réformateur » Mirhossein Moussavi (qui fait en fait partie de l’establishment politique chiite), beaucoup d’occidentaux se sont pris à penser que l’Iran est au bord d’une révolution démocratique dirigée vers l’Occident. Il était difficile d’accepter que beaucoup d’iraniens ne soient en fait pas « comme nous » et ne partagent pas « nos » rêves et aspirations, en soutenant Mahmoud Ahmadinejad.

Toute tentative de la part de Washington d’isoler davantage les ayatollahs pour forcer un changement politique à Téhéran serait inefficace, comme l’effort de punir Pékin après Tienanmen en 1989. A la place, comme avec la Chine récemment d’ailleurs, l’ouverture diplomatique et économique américaine avec l’Iran pourrait aider à créer les conditions pour des réformes économiques et politiques.

Leon Hadar est analyste au Cato Institute.


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