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Obama should speak truth to Islam because others can’t, par
Ayaan Hirsi Ali, The Australian, 15 juin 2009. Adaptation française par Poste de veille.
Non, ce n’était pas un poisson d’avril. Quand le président Barack Obama a rencontré la Reine du Commonwealth au Palais de Buckingham,
c’est bien un iPod qu’il lui a offert. La semaine dernière, je m’attendais presque à voir le président débarquer au Moyen-Orient avec une cargaison de Kindles
Il aurait pu débuter sa visite avec une sélection de lectures spéciales pour le Roi Abdallah d’Arabie Saoudite.
Pour le lendemain, lorsqu’il s’est adressé au monde musulman à l’Université al-Azhar, je me l’imaginais bien remettre un autre Kindle à Sayeed Mohamed Tantaoui, le grand cheikh de ce haut lieu de
savoir. Obama aurait même pu offrir un troisième Kindle à l’ambassadeur d’Iran en Égypte, qui a assisté à l’adresse présidentielle (cet homme, en effet, représente l’ayatollah, la plus haute
autorité religieuse des musulmans chiites).
À la différence du Commonwealth, la oumma, c’est-à-dire la communauté des musulmans, n’a pas de leader symbolique,
et encore moins de leader officiel. Le roi d’Arabie Saoudite, le grand cheikh de l’Université al-Azhar (la plus grande et, selon de nombreux musulmans, la plus prestigieuse institution
d’enseignement islamique) de même que les dirigeants de la République islamique d’Iran prétendent tous incarner le cœur et l’âme de la oumma.
Ils ont par contre leurs différences. Le Roi est gardien des lieux saints de l’islam et chef politique. Le grand
cheikh, de son côté, n’a aucun pouvoir politique, mais il n’est pas exagéré de dire que son institution est l’une des plus influentes dans le monde musulman. Et l’Iran, quant à elle, se réclame
d’un pouvoir spirituel tout en aspirant à une prédominance politique et militaire. La question de savoir qui parle au nom de l’islam est peut-être le pire des cauchemars pour les États-Unis, un
phénomène que les artisans de la politique étrangère américaine ne mesurent pas pleinement.
Cette situation rend la relation entre l’islam et l’Occident beaucoup plus problématique que ne le réalisent ceux
qui écrivent les discours du président.
Comme l’ont fait ses prédécesseurs, Obama a dénoncé l’extrémisme islamique sans ne jamais associer l’islam à
l’extrémisme. Il a fermement déclaré que l’Amérique n’est pas, et ne sera jamais, en guerre contre l’islam, le tout en invitant le monde musulman à s’allier aux États-Unis pour lutter bec et
ongles contre l’extrémisme.
Cependant, l’extrémisme islamique peut être abordé de deux manières distinctes. La première concerne ses
implications pour la politique étrangère des États-Unis, soit ses aspects expansionnistes ou djihadistes. Le président a promis de répondre par la force à toute attaque de type al-Qaïda sur le
sol américain ou contre les intérêts américains. C’est une position facile à prendre parce que, pour les États-Unis, il s’agit tout simplement de légitime défense. Ce n’est pas l’Amérique qui est
en guerre contre l’islam, c’est l’islam qui est en guerre contre l’Amérique.
Le deuxième sens du mot « extrémisme », utilisé à maintes reprises par le président, est celui, euphémiste,
définissant l’application de la loi islamique, soit la charia, dans les pays musulmans. De toute évidence, le président semble espérer contrer ce phénomène en courtisant la rue
musulmane.
Séducteur, le discours du président était ponctué de fausses louanges (« … c’est l’innovation au sein des
communautés musulmanes qui a permis le développement… de notre maîtrise de l’écriture et de l’imprimerie. ») et de simulacres de principes communs. Obama a même pris l’engagement – ridicule
– de combattre, où qu’ils se manifestent, les stéréotypes négatifs à propos de l’islam.
Il s’agit ici de rhétorique politique, ce qui ne suscitera pas, au final, de changements concrets. C’est, à mon
avis, une mauvaise stratégie. Au lieu de prétendre que les musulmans ont inventé l’imprimerie, le président devrait les confronter aux grands idéaux qu’a imprimés l’Occident. C’est ici que les
Kindles pourraient s’avérer bien utiles.
Je l’ai imaginé offrant au roi, au cheik et à l’ayatollah des Kindles équipés du discours anti-esclavagiste et
pro-égalité d’Abraham Lincoln. Obama a bien rappelé au monde musulman que « les Noirs, en Amérique, ont subi le fouet quand ils étaient esclaves et l’humiliation durant la ségrégation. Mais ce ne
fut pas la violence qui leur a permis de conquérir la plénitude de l’égalité des droits. Ce fut plutôt leur persévérance dans la réaffirmation, pacifique et déterminée, des idéaux qui sont au
cœur même de la fondation de l’Amérique. »
Dans aucun endroit du monde le sectarisme n’est aussi répandu que dans les pays musulmans. La grande différence
entre les principes américains et islamiques réside dans leurs idéaux fondateurs respectifs. C’est sur la base des idéaux fondateurs de l’islam qu’al-Qaïda et d’autres musulmans puritains
réclament l’application de la charia, le djihad et la sujétion perpétuelle des femmes. C’est sur la base des idéaux fondateurs de l’Amérique que les Noirs et les femmes ont lutté pour l’égalité
des droits et l’ont obtenue. Les gays et les nouveaux immigrants continuent d’ailleurs à le faire aujourd’hui.
J’inclurais aussi, Kindle oblige, les améliorations apportées au Nouveau Testament par Thomas Jefferson. Le roi,
le cheik et l’ayatollah ont en effet le pouvoir de décider quelles parties du Coran ne sont plus applicables dans le monde moderne. Par exemple, les décrets de la charia qui rejettent la science
et ordonnent à tous les musulmans de répandre l’islam.
Et bien évidemment, aucun choix de lectures ne serait complet sans un exemplaire de la Constitution des
États-Unis, en soulignant (vous pouvez le faire avec un Kindle) le huitième amendement qui interdit les traitements cruels et inusités.
Pour compléter le tout, j’ajouterais également le discours inaugural de John F. Kennedy : « Que chaque nation
qui nous veut du bien ou qui nous veut du mal sache bien que nous paierons n’importe quel prix, que nous supporterons n’importe quel fardeau, que nous affronterons n’importe quelle épreuve, que
nous soutiendrons n’importe quel ami et combattrons n’importe quel ennemi pour assurer la survie et le succès de la liberté. … Aux hommes qui habitent les cabanes et les villages de la moitié du
globe, qui luttent pour briser les liens de la misère, nous promettons que nous ferons tous nos efforts pour les aider à s’aider eux-mêmes… Aux nations qui voudraient se muer en adversaires… nous
ne les tenterons pas par notre faiblesse. Ce n’est que lorsque nos armes seront indubitablement suffisantes que nous serons indubitablement certains qu’on ne les emploiera pas. … Ne demandez pas
ce que l’Amérique peut faire pour vous, mais ce qu’ensemble nous pouvons faire pour la liberté des hommes. » Sans oublier les femmes.
Obama a promis de lancer un fonds pour appuyer le développement technologique dans les pays à majorité musulmane,
et ce, afin que les idées nouvelles puissent se concrétiser sur le marché et ainsi créer des emplois. Est-ce qu’il réalise bien que ces idées donneraient l’opportunité à la Commission saoudienne
pour la promotion de la vertu et la prévention du vice de réprimer la pratique d’idées antiislamiques?
Cette pauvre fille de Qatif en Arabie saoudite qui, après avoir été violée par sept hommes, a été condamnée à la
flagellation, avait succombé à l’idée de flirter par téléphone mobile. En Arabie saoudite, tous les vendredis, des châtiments cruels et inusités sont infligés, bien pires que tout ce que John
Adams a pu voir en son temps. Les mains de ceux qui sont soupçonnés d’avoir volé – surtout des pauvres et des travailleurs migrants – sont amputées.
Plus un homme, en Arabie saoudite, a la peau foncée, plus son sort est sinistre, sans parler de celui des femmes.
Parce qu’en Arabie saoudite, un Noir est encore considéré comme inférieur. Les hommes et les femmes reconnus coupables d’adultère, d’apostasie, de trahison et autres « délits » sont décapités.
Des milliers de femmes pourrissent dans les prisons saoudiennes en attente d’être fouettées ou sont fouettées chaque jour pour des actes tels que s’être mêlée à des hommes, une mauvaise tenue, la
fornication ou des fréquentations virtuelles par l’intermédiaire d’internet ou de téléphones mobiles.
La promotion de l’alphabétisation des filles, que le président veut soutenir, est une noble cause. Mais à moins
que les lois de la charia ne soient abrogées, plus de jeunes filles se retrouveront dans des enclos à flagellation plutôt que de progresser dans une carrière.
Obama a promis d’être l’hôte d’un sommet sur l’entreprenariat dans les pays à majorité musulmane « pour
identifier les moyens d’approfondir les liens entre les leaders du monde des affaires, les fondations et les entrepreneurs sociaux aux États-Unis et dans les pays musulmans à travers le
monde. »
J’aurais souhaité qu’il tienne plutôt un sommet sur la lecture où nous nous serions réellement « dit
ouvertement entre nous ce que nous recelons dans notre cœur et que trop souvent nous n’exprimons qu’à huis clos. » Pour un trop grand nombre d’entre nous nés dans l’islam, dire ouvertement
de telles choses peut nous mener à la prison ou au cimetière