D'habitude, il n'y a guère matière à rire dans un film de Ken Loach. Sauf que cette fois, nous y trouvons aussi Eric Cantona.
Joueur doué et fantasque, Canto n'avait pas les armes techniques pour cotoyer Maradona ou Messi au panthéon du genre, mais il avait une arme irrésistible, qui l'a fait élire joueur du siècle
auprès des supporters de Manchester United : un tempérament, un caractère, assez hors norme et haut en couleurs pour le monde guindé du football. Ici, il apparait à Eric Bishop, un postier en
pleine déconfiture personnelle, et va l'épauler dans la reconquête de l'estime de soi, qui comprend également celle de son ancienne flamme d'il y a trente ans. Cantona comme on l'aime, avec ses
aphorismes proches du non sens, et sa gouaille et son accent typiques. Ken Loach profite de son film pour égratigner les instances modernes du foot anglais ( et pas seulement ) qui ont confisqué
ce sport éminément populaire et l'a éloigné des couches prolos pour en faire un business impitoyable, où l'argent règne souverain. Loach lui réussit à émouvoir et à faire sourire, avec un film
qui suit nettement deux lignes directrices distinctes. Dans un premier temps, il suit la déchéance et la lente remontée d'Eric Bishop (sous la houlette du mentor Canto ) pour dans un second se
concentrer sur les mauvaises fréquentations du fils du postier, qui risque l'inculpation pour port d'arme ayant servi à un homicide. Entre ce grand écart, des tranches de vie sympathiques, qui
donnent un peu de couleurs à cette angleterre profonde qui porte encore et toujours les stygmates d'une grande depression. Rien d'étonnant à ce que la coutume locale soit de se murger dans les
pubs chaque soir, les distractions ne sont pas légions. Looking for Eric est toutefois inégal et souffre de quelques longueurs surtout dans sa dernière partie, et est à classer au rayon
"distraction salutaire" dans la filmographie lugubrement sociale d'un réalisateur engagé. (6,5/10)