Magazine Culture
VIE ET PASSION D'UN GASTRONOME CHINOIS
Présentation de l'éditeur
"Ce roman se déguste une serviette autour du cou.
La journée commence bien. Invité à partager le petit déjeuner de Zhu Ziye, laissez-vous réchauffer par un bol de nouilles al dente, avec des crevettes sautées en accompagnement. Que diriez-vous d'un plat de rouleaux de poisson aux œufs de crevettes, à moins que vous ne préfériez une assiette d'oie braisée au marc de vin? Et si vous goûtiez plutôt ces tendres cœurs de légumes aux miettes de crabe ou ce jarret de porc confit au sucre glacé et ambré ?
Ce sont quarante années de vie chinoise autour de la table qui sont évoquées ici, témoignant de la survie des traditions culinaires envers et contre toutes les turbulences des dernières décennies en Chine. En pénétrant dans l'existence de deux personnages ennemis que les circonstances ont réunis par mégarde, vous ne cesserez d'être tenus en haleine par la véritable héroïne du roman : la gastronomie. Pour elle le " capitaliste " Zhu Ziye sacrifie tout. Contre elle s'acharne Gao, moraliste épris de justice révolutionnaire.
Ce livre a connu un grand retentissement en Chine et a donné lieu à une adaptation cinématographique."
L'auteur
Né en 1928 dans un village du Jiangsu, il s'est installé en 1945 à Suzhou. Il fut contraint de s'en éloigner en 1969, au moment de la révolution culturelle et jusqu'en 1978.
Il se décrit lui même comme un écrivain réaliste , admirateur sans reserve de Lu Xun ou Shen Congwen.
La cuisine dans la littérature, encore un de ces thèmes auxquels j'ai du mal à résister. Repéré chez Keisha, je ne pouvais donc résister à l'impulsion de la LAL-euse!
Un moment de lecture véritablement savoureux à côté duquel j'ai failli passé, car si j'ai sauté dessus dès que je l'ai vu à la bib', je me suis retrouvée tellement débordée côté PAL avec tous ces emprunts excessifs à la bib', challenges et autres farfeluteries, que j'allais finalement reporter cette lecture pour une autre fois, en me disant qu'elle n'était peut-être pas si urgente.
Mue par un sentiment de culpabilité - j'avais le livre entre les mains, c'était criminel de le rendre à la bib' sans y avoir jeté ne serait-ce qu'un coup d'oeil - et partagée entre l'étrange espoir de ne pas accrocher (ce qui m'aurait confortée dans ma décision) et l'espoir non plus sensé que j'arriverais peut-être quand même à caser cette lecture, j'ai fini tout de même par lire les premières pages, comme ça, histoire de voir si j'adhérais au style de l'auteur déjà, hé ben à peine entrée, diffcile d'en sortir, j'étais littéralement happée par cette histoire, complètement séduite par la plume de l'auteur et le ton du livre!
Des personnages hauts en couleur, amusants et touchants, dépeints avec beaucoup de réalisme, des descriptions de mets chinois qui mettent l'eau à la bouche, quarante ans d'histoire de la Chine communiste en toile de fond, des années 30 aux années 70, on se régale à travers ce récit riche et instructif qui met en vedette l'art culinaire chinois, plus particulièrement celui de la région de Suzhou, une "culture millénaire que le peuple a créée".
J'ai beaucoup aimé l'histoire de ce roman, son rythme, cette guéguerre cocasse entre Zhu Ziye, le riche propriétaire qui ne vit que pour le plaisir du palais, et Gao, communiste convaincu, pour qui "le goût du travail et de la vie simple sont les qualités du peuple chinois", et le plaisir culinaire une complaisance bourgeoise.
Le comportement des personnages, leur personnalité, leurs relations entre eux et certaines réflexions perspicaces dans les dialogues prêtent souvent à sourire. Deux extraits que j'ai bien aimés:
"Je n'ai qu'une chose à te dire: par un phénomène physiologique bien étrange, il se trouve que le goût est exactement le même chez les bourgeois et chez les prolétaires. Les capitalistes prétendent que les crevettes sautées sont meilleures que la viande sautée aux choux, mais les prolétaires, pour peu qu'ils puissent y goûter, ne disent pas autre chose."
"L'homme est un curieux animal. Quand il a de quoi manger, son goût est particulièrement raffiné: qu'un plat soit salé, léger, parfumé, sucré, tendre ou très cuit, il sait en percevoir les moindres nuances. Mais quand il n'a rien à se mettre sous la dent, la faim devient son unique préoccupation: pour peu qu'il puisse être calé par trois bols de riz (et pas forcément de la meilleure qualité!), il baigne dans une joie et une satisfaction indescriptibles."
J'ai été particulièrement touchée par le personnage de Gao et sa foi inébranlable dans ses principes, comique malgré lui dans sa détermination et son acharnement borné à l'encontre de Zhu Ziye. J'ai adoré la fin qui s'est terminée pour moi dans un grand éclat de rire!