Aso San et Beppu

Publié le 27 mai 2009 par Jean-Michel Frappier
Deux heures à bord d'un train, deux autres à attendre le bus, une autre sur les routes, et finalement 15 minutes en funiculaire pour atteindre notre destination, le sommet du mont Aso-San. À 1592 m au-dessus du niveau de la mer, il s'agit du plus grand volcan du Japon. Toujours en activité, de la vapeur sulfurique s'échappe constamment du cratère où se trouve un lac d'un bleu magnifique. Le site est féérique........... le temps d'une photo.

Malheureusement, en détournant les yeux de la caldera, on aperçoit les kiosques à cossins cheaps fluos et les échoppes de bouffe. Nos oreilles sont assaillies par la musique stridente diffusée à plein volume en boucle de haut-parleur défoncé et les cris de centaines d'autres touristes. C'est un peu les chutes Niagara du monde des volcans, c'est très beau, mais le tourisme de masse amoche grandement le décor et après quelques minutes, on en a assez. On aurait dû y penser. Si dans une brochure touristique on parle d'un stationnement à moins de 50 mètres d'un site naturel, ça ne peut pas avoir conservé son côté sauvage! Maintenant, il ne reste plus qu'à remonter dans le téléphérique et se retaper le trajet à sens inverse.

Le Japon compte beaucoup de sources d'eau chaude que l'on appelle ici "onsen". S'y baigner est une part importante de la culture japonaise et aurait des vertus thérapeutiques dues aux minéraux que l'on retrouve dans l'eau. Au Japon, la plupart des villes possèdent au moins un bain public où les gens viennent relaxer en famille, entre amis ou avec des collègues de bureau!. On a parlé du côté pervers des Japonais dans un post précédent, mais les spas, contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, ne sont pas du tout des endroits de débauche même si tout le monde est tout nu.............. en famille, entre amis ou avec des collègues de bureau!

Comme faire trempette dans notre plus simple appareil avec des étrangers nous intimide un peu, on commence par se louer une chambre dans un "ryokan" où l'on a notre propre source d'eau chaude pour essayer en privé et ainsi maîtriser les rudiments de l'étiquette avant d'aller s'exhiber en public. Rien de sorcier, on se déshabille, on savonne bien partout, on se rince et on entre dans l'eau chaude, très chaude, brûlante, bouillante. HAAAAAAAAAA! On court se rincer à l'eau froide les parties les plus sensibles, heureux de s'être initié à l’"onsen" en toute intimité. Premières leçons : ne pas entrer dans l'eau d'un coup sec. En pénétrant progressivement, notre corps s'adapte, on se détend et après un moment on a l'impression d'avoir fumé un p'tit joint et ce n'est pas désagréable du tout.

Une heure plus tard, cuits à point, la tête dans les vapes, on enfile nos kimonos, on glisse nos pieds dans des pantoufles et on prend le thé dans la plus belle chambre qu'on n'a jamais eu en voyage. C'est vraiment hors de notre budget mais ça vaut amplement chaque yen dépensé. Après un moment, le sentiment d'euphorie s'étant dissipé, accros, on retourne se faire bouillir les neurones!

Le lendemain matin, un déjeuner rapide et on se dirige aussitôt vers le bain public le plus près en tremblant comme deux junkies en manque. Souvent, on a eu froid en voyage. Mais là, c'est la première fois qu'y fait aussi frette. En plus, il neige. Comme ça fait deux ans qu'on n'a pas vu de flocons, Elaine, toute excitée, saute partout.


Dans le grand hall tout en bois du Takegawara Onsen, une employée visiblement mal à l'aise de ne pas parler anglais nous donne deux "yukata". Après avoir ignoré longuement notre présence, espérant probablement ne pas avoir à s'occuper de nous, elle nous fait signe de se changer. Maintenant en robe de chambre, on nous guide vers une autre pièce. Ça ressemble à un immense carré de sable volcanique où deux vieilles dames nous attendent, pelle à la main, au bord de deux tranchées creusées juste pour nous. On s'apprête à nous enterrer vivants! Notre pire cauchemar va se réaliser et dire que l'on paye pour ça. Étendus dans le trou de la grandeur d'une tombe, on n'a plus que la tête qui dépasse du sable chaud qui presse sur notre corps. Impossible de bouger, tout nos muscles se détendent, c'est vraiment une sensation agréable. Mais quand les deux pelleteuses de l'âge d'or ne reviennent pas après une dizaine de minutes, on est de plus en plus tendus. On est très soulagés de les voir revenir un instant plus tard pour nous déterrer et nous épousseter.

On part ensuite chacun de notre côté pour expérimenter l’"onsen". J'écarte le rideau pour accéder à la section réservée aux hommes. Le temps semble figé, les conversations s'arrêtent abruptement et les regards convergent tous sur moi, l'étranger aux cheveux roux. Tout le monde semble mal à l'aise et pourtant je ne suis même pas encore nu.

Une fois dévêtu, les yeux qui me fixaient déjà se dirigent tous vers un point encore plus spécifique de mon anatomie. Veulent-ils vérifier la rumeur voulant que les asiatiques ne soient pas proportionnés de la même manière que les occidentaux? L'eau de la douche étant glaciale, ils détournent la tête d'un air satisfait et me laissent me savonner en paix.

Je n'ai jamais joué au hockey, c'est ma première douche commune. Je trouve ça un peu bizarre, alors imaginez l'étape suivante, partager un bain avec des inconnus! Le moment venu d'entrer dans l'eau, en m'approchant timidement, je réalise, en voyant tous ceux avec qui je m'apprête à me baigner, pourquoi c'est beaucoup plus gênant pour moi. Je suis le seul complètement nu, les autres hommes se cachent tous derrière leurs lunettes! Bande de pudiques!

Je me fais une place dans le bouillon, coincé entre deux maigrelets à la peau écarlate. J'ai chaud, terriblement chaud. Je sue comme un sumo en pleine crise de fièvre et je ne suis pas le seul, les deux maigrichons à mes côtés devaient être des lutteurs bien gras avant de suer tous leurs kilos en trop dans l'eau où je patauge. C'est dégueulasse!

Quand je commence à peine à me détendre, j'entends une voix de l'autre côté du mur, psst! PSSSSSSSST! Jean-Michel, JIMI!!!! Est-ce qu'on s'en va? Soulagement, Elaine tout comme moi s'ennuie dans le bain toute seule de son côté sans personne avec qui partager l'expérience unique de se baigner nu dans la sueur d'autrui. Peut-être que c'est mieux dans la sueur de sa famille, celle de ses amis ou des collègues de bureaux?

Heureux d'avoir vécu quelque chose de nouveau, mais un peu déçus de ne pas avoir vraiment relaxé, on décide donc de passer la soirée dans un endroit privé où l'on en profitera sûrement beaucoup plus.