Cette semaine, les Impromptus
nous entraînent au-delà du Channel, en perfide Albion...
La consigne est simple et lapidaire : "en Angleterre"...
Soit, je vous réserve de mon pudding made at home, de ma sauce à la mint-maison...
Let's go back to the future !
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public.
« Londres, le 8 février 1587.
Mon bien cher fils,
Venant tout juste d'entrer dans ma 44ème année, je m'apprête à rejoindre notre Seigneur dans la Paix de son Royaume.
Mais avant de connaître le destin qu'Il m'a réservé, je voulais vous laisser cette dernière missive où je vous dis adieu sur cette terre de misère.
Même si Dieu a eu d'étranges et funestes desseins à mon encontre, je m'en remets à sa toute puissance, sans crainte, ni peur.
A la mort de mon père, Il a déposé l'Ecosse entre mes mains et a ceint ma tête de la couronne du pouvoir.
Je n'avais alors que 3 jours, mon bien cher fils, songez un instant à l'avenir tragique et exceptionnel qui se profilait dès l'aube de ma vie...
Très tôt, Marie, ma mère, poussée par les calculs de mes oncles, m'a fiancée au fils aîné du Roi de France.
J'ai embarqué, à peine âgée de 6 ans, pour le pays de mon époux où j'ai eu l'opportunité d'évoluer au milieu d'une des cours les plus raffinée qu'il puisse se concevoir.
Couverte d'éloges délicieuses et flattée par les propos dithyrambiques de ce fieffé Ronsard, j'ai grandi, je me suis épanouie et j'ai épousé le Dauphin en 1558.
Hélas, il est décédé deux années plus tard, fauché dans la fleur de l'âge, trahi par sa
constitution si fragile. Paix à son âme, il fut un homme faible de corps mais remarquable d'esprit.
Je me suis résignée à regagner le pays de mon père, un pays que j'ai retrouvé dévasté par la Réforme et les luttes acharnées entre les Seigneurs dévorés
par la cupidité.
Complots, calomnies et bassesses m'entourèrent de leurs fielleuses sirènes.
Courtisée par de nombreux prétendants au rang desquels figuraient les plus éminents princes étrangers, j'ai eu la faiblesse d'accorder du crédit aux
paroles de feu votre père, mon cher enfant, Lord Darnley.
Je ne vous ai jamais caché mes sentiments à son égard, sentiments justifiés par son comportement ignoble envers ma personne. Humiliation, traîtrise, haine... résument parfaitement cette union désastreuse.
Quelques jours après votre naissance - vous, mon cher fils, vous, son unique héritier - il fut victime d'un attentat à la bombe qui le laissa brisé et
désarticulé, gisant ensanglanté sur le sol d'Ecosse.
Mon remariage avec le Comte de Bothwell, présenté scandaleusement comme l'instigateur du crime qui vous privât de votre père, a été le franchissement de
la première marche qui devait me mener vers les profondeurs où je me suis enlisée depuis quelques années...
Après avoir été chassée du trône par mes félons sujets écossais, j'ai préféré abdiquer pour vous laisser accéder au pouvoir puis je me suis effacée pour vous laisser briller.
Ma cousine Elizabeth, Reine d'Angleterre a accepté de me prendre sous sa protection malgré mes doutes concernant sa légitimité à occuper le trône anglais.
Bien mal m'en a pris, mon fils adoré, car elle m'a fait emprisonner afin d'éviter toutes dissension au sein de son royaume... je n'ai jamais su en qui placer ma confiance,
semble-t-il.
Aidée par quelques hommes fidèles à ma personne, j'ai bien tenté de briser le piège lugubre dont je sentais les mailles se resserrer autour de moi.
Peine perdue, mon fils, peine perdue.
La suite, hélas, vous la connaissez aussi bien que moi, tout comme la sentence qui va me ravir à la vie et me ravir à votre affection, du moins, j'ose espérer que votre cœur éprouve encore
quelques sentiments envers la femme qui vous enfantât.
Ma main ne tremble pas alors que je vous écris ces derniers mots.
Je vous dédie mes dernières pensées et mon dernier souffle. Car pour autant que j'ai été reine et que j'ai eu deux des plus grandes puissances à mes pieds, je ne suis pas moins femme, humble créature de Dieu, et surtout votre mère.
Que Dieu vous garde, mon fils, de la folie des hommes et de leurs intrigues...
Pour moi, il n'est plus temps, j'entends des pas derrière la porte, une clameur filtre...on vient me quérir...
Adieu, mon fils bien aimé.
Marie Stuart. »