Juin 1989: Une révolte écrasée place Tian'anmen.
L'année 1989 constitue assurément une date essentielle dans l’histoire des relations internationales. En Europe de l'est, la chute du mur de Berlin, le 9 novembre, entraîne la fin de a coupure de l'Europe de part et d'autre du rideau de fer. Surtout, elle permet le renversement des régimes communistes, sous tutelle soviétique, qui opprimaient leurs populations.On a donc plus parler de “printemps des peuples”, qui pouvaient enfin goûter à la liberté. Or, l'année 1989 avait très mal commencé pour les tenants d'un assouplissement des régimes communistes avec la répression des manifestations estudiantines en Chine.
Depuis la toute fin des années 1970, le pays, toujours fermé politiquement, s'ouvre néanmoins sur le plan économique. Des Zones Economiques Speciales apparaissent sur les littoraux chinois et permettent une première insertion de la Chine dans l'économie mondiale. A l'origine de cette inflexion du régime se trouve le successeur de Mao Zedong, Deng Xiaoping. Ce dernier engage le pays dans de nombreuses réformes. Or, tout au long des années 1980, un bras de fer s'engage entre les tenants d'une poursuite des réformes et les conservateurs, hostiles à toute transformation du régime. Avec la nomination de Li Peng comme premier en 1987, cette dernière tendance semble l'emporter.
Or, à partir de la mi-avril 1989, de nombreux étudiants, des intellectuels et quelques ouvriers se réunissent sur la place Tien An Men de Pékin afin de manifester. Dénonçant la corruption du régime, ils réclament avant tout des réformes politiques et démocratiques, à l'instar de l'infléchissement perceptible dans l'URSS de M. Gorbatchev. Ce mécontentement est attisé par la politique d'austérité économique mise en place depuis quelques mois. Mais c'est surtout la mort dans des circonstances suspectes de Hu Yaobang, un des principaux réformateurs des années précédente, limogé en 1987, avec l'arrivée au pouvoir de Li Peng, qui met le feu aux poudres. Les manifestants réclament en effet sa réhabilitation et tentent d'obtenir des obsèques nationales. Le 12 mai, plus de 1000 personnes entament une grève de la faim sur la place. De nombreux étudiants de province rallient alors la capitale chinoise.
Manifestants place Tien'anmen.
Face à l'ampleur, des manifestations, les autorités semblent désemparées et tergiversent, hésitant entre l'ouverture de négociations ou l'usage classique de la répression. Certains, comme Li Peng, optent pour cette dernière solution, tandis que les réformistes préconisent l'ouverture de négociations avec les étudiants. Parmi ces derniers, Zhao Ziyang parvient pratiquement à convaincre les étudiants de cesser leur grève de la faim. Or, Ziyang est limogé et Deng Xiaopin décide l'établissement de la loi martiale, proclamée le 24 mai par Li Peng. Les étudiants décident alors de rester sur la place et dressent des barricades. L'armée intervient dans la nuit du 3 au 4 juin. Les soldats tirent sur les manifestants, puis investissent la place avec des chars, écrasant les étudiants restés sous les tentes.
A l'issue des événements, le gouvernement chinois parle de 300 morts, alors que la Croix rouge chinoise évoque 2600 à 3000 morts. Certes, le calme est revenu dans le pays. Pour autant, les images diffusées partout, sauf en Chine, d'un jeune manifestant s'interposant avec beaucoup de courage face à un char (voir photo en tête d'article), démontre à quel point le régime reste autoritaire. Le pays connaît alors une violente répression marquée par la délation et des exécutions sommaires. Le “printemps de Pékin”prend fin.
Or, la simple évocation de ces événements est aujourd'hui interdite en Chine. Aucun livre d'histoire ne revient sur les événements de Tian'anmen. Le gouvernement continue de contester le nombre de victimes et tente de discréditer les manifestants. Chaque 4 juin, la place est très surveillée afin d'empêcher toute commémoration (c'est particulièrement vrai cette année puisque 20 ans se sont écoulés). Enfin, sur internet, les moteurs de recherche Google et Yahoo ont accepté d'empêcher toute recherche sur ces “troubles politiques” (sic) afin d'obtenir l'autorisation de s'installer en Chine (voir l'article de R. Tribouilloy en lien). La chape de plomb qui recouvre les événements est telle que beaucoup de jeunes Chinois ignorent ce qui s'est réellement passé ce jour là.
Sources:
- Le Petit Mourre.
- Les Docs de l'actu n°6, p101.
Liens:
- “Place Tien An Men, le mouvement du 4 juin 1989 et le symbole humaniste” sur le blog de Jean-Christophe Diedrich.
- “Contrôler internet, l'exemple chinois” sur le blog de Richard Tribouilloy.
- Sur Rue 89: “20 ans après Tien'anmen, le spectre de la réforme politique“.