Les Dissidents de Genève ont trois mois pour convaincre

Publié le 16 juin 2009 par Francisrichard @francisrichard

Hier soir les Dissidents de Genève tenaient leur Assemblée générale au premier étage d'un restaurant genevois à l'enseigne des Vieux Grenadiers. Tout un programme... puisqu'il s'agissait pour eux d'adopter une stratégie référendaire.
L'assistance était composée d'un peu plus d'une vingtaine de personnes, dont votre serviteur, qui a été photographié en premier plan par Aimé Jolliet. Cette photo est tirée du site des Dissidents de Genève (ici).
Certes votre serviteur a été photographié de dos - ce qui l'avantage -, mais dans l'attitude du penseur et de l'observateur, un verre d'eau minérale Passuger à portée de main - prononcez passougre. Horresco referens, quand je pense à Jacques Neirynck (voir mon article Jacques Neirynck aime l'eau du robinet, grand bien lui fasse ! )...
 
Cette assistance comprenait des députés au Grand Conseil, de toutes tendances, des avocats, des cafetiers, des restaurateurs et même un scientifique de haut vol. Une majorité de fumeurs de cigarettes et de cigarillos, mais aussi des non-fumeurs tels que votre serviteur et tels que le photographe. Des buveurs d'eau minérale, de bière pression et même de coca-cola... Dans l'ensemble des bons et joyeux vivants... créant d'emblée une ambiance des plus conviviales.
Il y a tout juste un an, les Dissidents de Genève (voir mon article Les dissidents de Genève pour la liberté de fumer .) avaient lancé une pétition, que j'ai signée, et qui avait déjà recueilli à l'époque 3'400 signatures, pour demander des aménagements et des exceptions à l'interdiction totale de fumer dans les lieux publics que le peuple genevois venait d'approuver par 79,2% des voix, le 24 février 2008. La date de mise en vigueur étant fixée par le Conseil d'Etat au 1er juillet 2008.
Dans sa précipitation à mettre en vigueur l'objet voté en février, le Conseil d'Etat devait commettre une bourde juridique dont il a le secret de fabrication. Au lieu de demander au Grand Conseil une loi en bonne et due forme, en conformité avec l'objet voté, il avait édicté un simple règlement, vite fait mal fait. Un recours fait devant le Tribunal fédéral par deux avocats, Me Amaudruz et Me Pardo, se traduisait par un rejet dudit règlement et par une nouvelle et totale autorisation de fumer dès le 1er octobre 2008...en attendant que le Grand Conseil daigne pondre une loi...
Paralèllement, le 3 octobre 2008, le Parlement du pays adoptait une Loi sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics (ici). Cette loi fédérale prévoyait toutefois la possibilité d'établissements fumeurs :

Art. 3 Etablissements fumeurs

Une autorisation d’établissement fumeurs est octroyée sur demande aux établissements

de restauration qui remplissent les conditions suivantes:

a. ils disposent d’une surface accessible au public égale ou inférieure à 80 m2 ;

b. ils disposent d’une ventilation adéquate et sont clairement reconnaissables

de l’extérieur comme des établissements fumeurs;

c. ils n’emploient que des personnes dont le contrat de travail stipule qu’ils

acceptent de travailler dans un établissement fumeurs.

Cet article 3 était malheureusement suivi d'un autre, libellé comme suit :

Art. 4 Dispositions cantonales

Les cantons peuvent édicter des dispositions plus strictes pour la protection de la

santé.


Du coup le Grand Conseil genevois, les 22 et 23 janvier 2009, s'est cru autorisé à élaborer une loi plus stricte (ici), mais qui n'est toutefois pas l'interdiction absolue prévue par l'initiative 139, acceptée le 27 février 2008 par le peuple genevois. Elle comporte les exceptions que voici :

Art. 4 Exceptions

Lieux privatifs

1  Des exceptions à l'interdiction de fumer peuvent être prévues pour les lieux

à caractère privatif suivants, pour autant qu'ils soient isolés, ventilés de

manière adéquate et désignés comme tels :

a) les fumoirs clos et correctement ventilés installés dans les

établissements et lieux publics sont autorisés pour autant que ceux-ci

soient isolés et qu'aucun service n'y soit effectué;

b) les cellules de détention et d'internement;

c) les chambres d'hôtels et d'autres lieux d'hébergement;

d) les chambres d'hôpitaux, de cliniques et d'autres lieux de soins, dans

lesquels les patients séjournent de manière prolongée et dont ils ne

peuvent aisément sortir compte tenu de leur état de santé.

2  L'exploitant ou le responsable de ces lieux soumet pour approbation au

département en charge de la santé (ci-après : le département) les modalités

d'application des exceptions qu'il entend prévoir.

Cercles

3  Les cercles ne sont pas soumis à l'interdiction de fumer, pour autant qu'ils

remplissent les conditions du droit fédéral.

Commerces spécialisés dans la vente de tabac

4  L'exploitant d'un lieu de vente spécialisé dans le domaine du tabac est

autorisé à aménager un local de dégustation réservé aux clients

consommateurs de tabac, à la condition qu'il soit isolé, ventilé de manière

adéquate et désigné comme tel.

Aéroport international de Genève

5  L'Aéroport international de Genève est autorisé à exploiter un fumoir isolé

dans la zone de transit, à la condition que le local soit ventilé de manière

adéquate et désigné comme tel.

L'internaute notera au passage que cette loi, destinée à protéger la santé, autorise tout de même la fumée dans les chambres d'hôpitaux, de cliniques et autres lieux de soin...dans lesquels les patients font un séjour prolongé... Pour abréger leur vie peut-être et lutter contre les coûts de la santé ?

Les Dissidents de Genève ne pouvaient accepter que ces exceptions de la loi genevoise soient inférieures à celles prévues par la loi fédérale. Ils ont donc lancé, avec l'appui déterminant de la SCRHG (Société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève
ici), un référendum, "Halte aux interdits", et ont déposé, le 13 mars 2009, 14'458 signatures (ici), c'est-à-dire plus du double des signatures nécessaires pour obtenir que la nouvelle loi soit soumise à référendum. Ce dernier devrait avoir lieu le 27 septembre 2009. Dans trois mois...

La religion de la fumée passive qui serait mortelle est similiaire à celle du réchauffement climatique qui serait d'origine humaine. Elle fait l'objet d'une propagande quotidienne et incessante dans les médias, qui ont oublié d'être critiques, et prudents, et il est bien difficile de faire connaître la vérité sur le sujet (voir mon article
Le Pr Molimard dit tout ce que vous devriez savoir sur le tabagisme ou mon article Le Pr Molimard apporte son soutien aux Dissidents de Genève ).

Il ne faut pas compter sur les partis politiques pour se montrer plus critiques que les médias et ramer à contre-courant. D'autant que le 11 octobre 2009 ont lieu les élections pour le Grand Conseil genevois et le 15 novembre celles pour le Conseil d'Etat...

Le peuple genevois devrait être plus sensible à l'argument de la défense des libertés. Dans mon article 
Les dissidents de Genève pour la liberté de fumer  je profitais de l'occasion pour souligner que la notion de lieux publics me semblait bien confuse dans les esprits:

En effet par lieux publics on entend aussi bien des lieux réellement publics que des lieux privés. Un bistrot, un restaurant, une boîte de nuit sont ainsi des lieux privés. Certes ils sont fréquentés par du public, ils n'en demeurent pas moins des lieux privés.

Personne n'oblige personne à aller dans un bistrot, un restaurant, une boîte de nuit, enfumés ou non. Personne n'oblige personne à aller travailler dans un de ces établissements, enfumé ou non. C'est d'autant plus vrai que le chômage culmine vertigineusement en Suisse à un peu plus de 2 %, même si Genève  oppose son exception culturelle à cette moyenne helvétique.

A mon sens l'interdiction de fumer dans des lieux privés, fréquentés par du public, viole le droit des propriétaires de ces lieux d'édicter leurs propres règles de bonne conduite que doivent respecter ceux qui les fréquentent. Au train où vont les choses il sera bientôt interdit de fumer dans la rue, lieu réellement public, pour lutter contre ...les gaz à effet de serre.

Le peuple genevois devrait être également sensible à l'argument de l'emploi, alors que la crise économique déploie tous ses effets. Le nombre d'établissements, qui ont dû fermer en France, depuis que l'interdiction de fumer y est effective, devrait le faire réfléchir.

Le peuple genevois devrait enfin se souvenir que la Suisse est un pays de tourisme et que les touristes fumeurs ne sauront plus où, ni quand, ils seront autorisés ou non de fumer quand ils passeront d'un canton à l'autre; et qu'il ne serait pas bon pour leur République de se montrer plus prohibitive encore que d'autres.

Je souhaite donc que Mme von Siebenthal, M. Widmer et Me Boesch, pour les DDG, M. Terlinchamp, pour la SCRHG, aidés de tous leurs amis, puissent faire comprendre aux Genevois qu'il est de leur intérêt de ne pas se distinguer dans l'escalade de la prohibition de toutes sortes de choses et qu'ils s'honoreraient au contraire en prenant la défense de la minorité des fumeurs, dans la plus pure tradition helvétique qui est de prendre en considération ... toutes les minorités.

Francis Richard