Carte postale

Elle a une bonne voix de petite madame. C'est le soir. Je la sais dans sa maison. Je suis dans la mienne. Téléphone. Elle se prête de bonne grâce au jeu de l'interview. C'est une élue. Elle a un petit rire tout sympa, comme une ponctuation. Je fais le questionneur. Le chercheur de confidences. Je l'invite à évoquer. Je lui demande de me raconter son canton.
L'exercice n'est pas si évident qu'il n'en a l'air. Essayez, vous verrez :-) Amusez vous à "faire une carte postale de votre chez vous" en quelques mots, et vous constaterez que ce n'est pas si évident. Que dire ? Par quoi commencer ? Que mettre en avant ?
Elle connaît tellement, ce bout de coin, elle en est tellement imprégnée, que s'en extraire, soudainement, ce n'est pas simple.
C'est comment, chez vous ? C'est beau ! elle dit. Et puis voilà. On sait. Que c'est vrai. On a envie d'y aller. Tout simplement. Il y a un fort esprit du pays, elle ajoute. Le Pays qui est le sien. Le pays de près de sa maison.
A mesure qu'elle raconte, qu'elle plonge dans ses souvenirs, qu'elle évoque des endroits, des moments, des rencontres, à mesure que ses yeux cherchent les lieux emblématiques de ce bout de France qui est le sien, j'ai l'impression d'entrer dans un monde, tout un monde, fut-ce un modeste territoire de quelques milliers d'âmes, d'une trentaine de communes. J'ai envie de prendre le temps d'y aller, dans ce pays.
Elle raconte le bois des forêts, un chêne, des pierres, un ruisseau. Elle parle de culture, de personnes âgées, de personnes handicapées. Elle évoque l'habitat, la mémoire, aujourd'hui. N'en rajoute pas. Ne frime pas.
Nous randonnons de mots en phrases et de réponses en questions. Nous cheminons de concert, elle pour expliquer son coin, moi pour l'appréhender.
En l'écoutant me parler, je me dis à plusieurs reprises que ça fait du bien d'entendre des gens comme elle. Humbles. Conscients.