BRAINBOX ::: Siberia EP

Joinville Le Pont. Un garage. Un Fender Rhodes, une Telecaster, une bass precision, une batterie Remo s'alignent devant une armoire sur laquelle quatre jeunes mecs inspirés ont inscrit : "BRAINBOX 94".

Simon, batteur et futur bachelier, a un petit regard perdu qui ne laisse pas présager la rigueur qu'il met dans son jeu; Samsas (ne le confondez pas avec l'armoire du garage) lui, il joue de la basse, et plutôt bien; Anton, étudiant en cinéma, frappé en plein coeur par le "California Love", tient le Rhodes et l'orgue avec ferveur; enfin Romain, qui a un accent plus qu'exotique pour le type du sud que je suis, porte une paire de Levi's qui tombe négligemment sur des boots américaines. Il chante des textes à la fois fins et argotiques et possède un jeu de guitare uptight à souhait, du genre que l'on n'avait plus entendu depuis le premier album de The Jam, avant que Paul Weller ne vire "modfather" pour revivalistes ignares.

Les Brainbox existent depuis approximativement trois ans: ils font partie des membres du public de l'explosion du Bar 3 qui ont empoigné les guitares pour se joindre à la partie. Un line-up indéfini, une tendance à l'éparpillement et une très forte spontanéité dans l'envie de tout rafler ont fait que le groupe n'a trouvé sa forme stable que depuis la fin de l'année 2007.

Certains diront que les Brainbox ont raté le coche de la scène parisienne, que désormais les choses vont être plus dures pour un groupe comme eux; mais une poignée de détails non négligeables laissent penser sérieusement qu'il y a un avenir pour les Brainbox: Si vous suivez leur évolution, vous verrez qu'ils progressent mois après mois; composant sans cesse de meilleures chansons, ne gardant que les meilleures de leurs créations, épurant sans relâche, ayant un sens du travail tout nietzschéen, plutôt que le sens de la pose... Aussi, les voilà depuis le début de l'année nouveaux poulains du label Bonus Tracks Records, tenu par Yarol Poupaud, un mélomane qui m'a toujours laissé sceptique, allez savoir pourquoi... Toujours est-il qu'il fait de bons choix: The Parisians, Mister Soap et surtout... Les Brainbox. Il fait aussi de mauvais choix: The Mantis, mais ce n'est pas la question.

Il y a chez les Brainbox une attitude un peu gang, un je ne sais quoi qui peut passer pour du petit banlieusard arrogant mais qui est en fait le résultat d'une terrible authenticité teenage. Une sorte de "fureur de vivre" du nouveau millénaire qui se ressent dans les compositions du groupe: Guerilla , qui ouvre le EP Siberia des Brainbox, est un titre dont l'efficacité n'a d'égale que l'ironie, qui semble parler des nostalgiques-d'un-mois-de-mai-qu'ils-n'ont-pas-vécu alors que le bordel se fait attendre aujourd'hui. "Mais hors de question de nous prendre pour des anarchistes, ce serait trop facile, comme un échappatoire, cela ne voudrait rien dire", tels sont leurs propos. Guerilla est le single que l'on attend d'un jeune groupe: naïf, entre le génie et l'évidence, puissant. Mais les trois autres chansons (et le terme "chanson" ne signifie pas rien chez les Brainbox: des textes EN FRANCAIS et COMPREHENSIBLES, un argot assumé, des jeux de sonorités que l'on sent bien empruntés au grand Serge...) n'en sont pas pour autant effacés. Autour de ce feu, Farfadets et L'ère gazière sont autant d'histoires de perte de la raison du à l'alcool accompagnée d'une Leslie endiablée; d'amour/haine pour la grande ville sur une guitare morriconesque. Puis l'abrutissement de la multitude, avec quelques références au Troisième reich s'il vous plaît, comme pour rappeler que l'Histoire peut se répéter grâce à la confusion des âmes. Romain parle de ce que beaucoup d'entre nous/vous connaissent, pensent, ressentent... Non sans talent.

Tous les détails de Siberia sont soignés, affûtés: du moindre écho de guitare au moindre accord de Fender Rhodes; toutes les lignes de basses sont prenantes, les breaks efficaces. Rien n'est ampoulé, rien n'est trop gros, pas de lourd solo, aucune démonstration de technique... Ce EP est une sorte d'exemple d'épurement musical; produit d'une certaine maturité et d'influences bien comprises et digérées. Les Brainbox ont déjà enregistré de nouveaux morceaux, encore une fois surprenants, et on entendait récemment Yarol Poupaud nous dire à la radio que l'éventualité d'une nouvelle sortie n'était pas excluable; mais pour l'heure, faites ce que la plupart d'entre vous n'ont jamais fait: acheter de la musique sur internet: filez donc vous procurer Siberia, oubliez tous les Stuck in the sound et autres groupes indie chantant en anglais qu'il vous arrive trop souvent d'aduler: le vrai rock comme il devrait s'écrire en France, ce sont les Brainbox.

Siberia, Les brainbox, disponible sur les plate-formes de téléchargement.

http://www.myspace.com/lesbrainbox