Je viens de terminer la lecture de Vies minuscules; juin est encore doux, hésitant encore, dans une lumière calme, à s'engager dans les chaleurs de l'été; la cour de l'école retentit encore de la sonnerie de la récréation et des cris des enfants; les nuages suivent lentement le cours du fleuve. Une tasse de thé de Chine, le théorbe de de Visée, le chat sur son coussin.
« Avançons dans la genèse de mes prétentions. »
J'ai déjà évoqué la vive émotion que m'a donnée la lecture de ce récit de huit vies minuscules, que je mettrai en écho avec le récit Les disparus de Daniel MENDELSOHN, dans un tout autre registre, certes, mais l'un et l'autre en mode mineur. Mélancolie, douce mélancolie. Se tenant loin de l'autofiction, Pierre MICHON, le narrateur innommé caché sous le « je » de la mémoire, donne une vie posthume à ces vies enfouies de personnages de sa famille et de ses proches, et, à travers cette résurrection, la douloureuse naissance de l'écriture.
« Loin des jeux serviles, je découvrais qu'on peut ne pas mimer le monde, n'y intervenir point, du coin de l'œil le regarder se faire et se défaire, et dans une douleur réversible en plaisir, s'extasier de ne participer pas : à l'intersection de d'espace et des livres, naissait un corps immobile qui était encore moi et qui tremblait sans fin dans l'impossible vœu d'ajuster ce qu'on lit au vertige du visible. Les choses du passé sont vertigineuses comme l'espace, et leur trace dans la mémoire est déficiente comme les mots : je découvrais qu'on se souvient. »
J'ai rarement trouvé une lecture aussi bien ajustée à la saison, au combat des commencements.
J'attends maintenant le plus récent ouvrage de MICHON, réservé à la bibliothèque, Les onze, et, pour tout de suite, toujours à ma mélancolie, j'entre dans La Résidence des Étoiles, d'Angelo RINALDI, un autre des enchanteurs de mémoire.