Rien de tel qu'aller faire son marché pour se donner du peps. Pour peu qu'un ou deux rayons de soleil agrémentent la visite, c'est l'occasion de passer un bon moment à tâter le pouls palpitant des camelots, maraîchers et autres poissonniers ("Il est frais mon poisson il est frais !"). C'est aussi une excellente opportunité de mesurer, notamment à l'état général de fébrilité du vendeur, si les affaires vont bien. Et avec la condition générale des étalages et la grosseur des boniments dégoisés par les marchands, on peut même en déduire l'heure qu'il est.
Et lorsque les cageots sont majoritairement vides, que les fruits vendus ont de moins en moins bel aspect et que le maraîcher semble vous poursuivre de son regard à la fois inquisiteur et implorant, c'est que la fin est proche : on va bientôt remballer.
Nous sommes en Juin, et il est justement temps, avant les vacances, de faire un petit bilan des marchés divers et variés. En 2008, nous avons connu une année rock'n'roll, et l'année 2009 semblait partie pour des montagnes russes assez sévères.
Cela s'est vérifié. En l'espace de quelques semaines de montées quasi-ininterrompues et vigoureuses, le spectre des enfoncements par le bas des indices de la planète semblent oublié. Vu de loin, les chefs d'états et de gouvernements semblent moins fébriles qu'en octobre ou novembre. Le fait que Sarkozy ne soit plus à la présidence du Conseil Européen joue sans doute dans l'impression générale d'un relâchement de la tension, mais à en croire les uns et les autres, les affres de 2008 nous seront épargnés cette année.
En clair, les vendeurs de primeurs nous le disent simplement : certes, 2009 ne sera pas grandiose, mais le plus dur est derrière nous ; les meilleures cerises et les melons les plus juteux sont partis, les petits pois ne sont plus dispos, mais il reste encore quelques endives et des oranges passables. Mangez-en, c'est plein de vitamines.
Grande promo sur les radis ! Sont quasiment donnés, mes radis !
C'est là, quand une vendeuse de patates tend à vous faire croire que ce sont des fraîches alors que leur aspect général prête à douter, qu'on commence à flairer la supercherie.
Parce qu'en terme de cageots vides et de fruits pourris, les étalages commencent à furieusement se ressembler. Jugez plutôt :
- Alors qu'actuellement, on injecte à grand renforts médiatique des centaines de milliards de dollars et d'euros dans l'économie, la FED semble avoir perdu la trace de ... 9000 milliards. La relative absence de réaction des principaux organes de presse, et la présence de cette information presqu'exclusivement sur internet en dit long sur la façon calamiteuse de gérer l'argent des contribuables. Cela donne aussi quelques pistes de réflexion sur ce qui risque de se produire plus tard lorsque les comptes devront être apurés, nettoyés, remis au carré. Il faudra plus d'un Hercule pour nettoyer cette écurie dont Augias même aurait eu peur. Pour de rire, tiens, regardez donc cette vidéo.
- On n'évoquera que rapidement l'affaire des 134.5 milliards en goguette. Les hypothèses vont bon train, notamment la plus confortable intellectuellement : ce sont des faux ; eh oui, les billets de 7 euros auraient été trop visibles, alors autant faire des bons du trésor d'une année sans émission pour des montants ahurissants. Fastoche.
- Pendant que les américains s'amusent à faire des billets de Monopoly et à cramer des dollars en sous-sol, les pays émergents, ayant probablement humé l'odeur âcre des feux de joie monétaires, font tout pour se trouver une nouvelle monnaie internationale plus solide. Cet article de septembre 2008 aurait fait sourire il y a encore quelques mois. Maintenant, la création de nouvelles lignes de swap entre ces pays (Brésil, Inde, Chine, notamment) et le ralentissement de leur gloutonnerie en bons du trésor américain montre cependant que l'idée est plus que dans l'air. Oui, l'hégémonie du dollar sur les échanges internationaux semble en prendre un coup.
- Et ceci ne serait qu'un élément de doute s'il ne fallait en plus ajouter les velléités des Etats du Golfe Arabique à faire, eux aussi, une nouvelle monnaie. Oui, décidément, le dollar, c'est super, mais certains pensent sérieusement qu'on peut faire mieux.
- Ce malaise vis-à-vis de la monnaie américaine est d'ailleurs palpable et directement calculable grâce aux Taux Longs appliqués à la dette américaine. Ceux-ci remontent, ce qui, à chaque gain substantiel, remet un peu plus en cause la capacité de remboursement des américains. De là à en déduire que la fin n'est plus très lointaine, il y a quelques pas que certains franchissent pourtant alors qu'on les a connu bien plus circonspects.
- Tout ceci, on s'en doute, a fini par donner les mains moites à Bernanke : il commence lui aussi à sentir la nécessité d'un peu de
financerigueur dans ce monde debrutesdépenses. Et comme il le dit, d'autres le pensent fort, et s'empressent de se débarrasser de leurs encombrants dollars. Pendant ce temps, Geithner, le secrétaire au Trésor, l'équivalent du rond de cuir en charge du budget de l'état le plus criblé de dette du monde, réaffirme le coolisme / trochoukisme du dollar. Eh oui, c'est trop kikoolol, la dette américaine et le billet vert ! Manque de bol, Timothy déclenche l'hilarité des Chinois auxquels il s'adressait. Seraient-ils au courant ?
Mais rassurez-vous.
En France, nous ne sommes pas en déflation.
Non.
Simplement, ça inflate négativement. Comme pour l'Europe qui réussit à bien gérer son inflation. A la comprimer, même. En pratique, elle est tellement compressée, l'inflation, qu'on glisse maintenant sur du plat, zwiiiip. Comme pépé dans mémé je vous dis. Du bonheur en barre.
Tout va bien : le pire est derrière nous, les enfants. Et vu les étalages, le marché ferme bientôt.