Interview Jan Kounen : « 99 F est le Fight club du yaourt ! »

Par Christophe Greuet

Malgré sa campagne publicitaire impressionnante, nous ne pouvions pas passer à coté d’un événement cinématographique de l’ampleur de 99 F. Et l’on rechigne d’autant moins à en parler que l’adaptation du livre de Beigbeder est signée Jan Kounen, l’un des réalisateurs français les plus excitants. Avant de vous livrer notre critique du film, voici quelques unes des questions à destination de la presse auxquelles Jan Kounen a répondu…


Vous avez réussi à faire de 99 F un film très personnel, un film d’auteur…
C’était la chose qui m’était demandée et bien sûr c’est ce qui m’intéressait. Je devais faire un film à la fois fidèle au livre – en retrouver l’essence, les personnages et l’esprit – et qui soit à la fois personnel. En ça, 99 F est un film que je revendique autant que ceux dont j’ai écrit chaque ligne et rêvé chaque image. C’est intéressant pour moi, cinéaste, de me découvrir une liberté nouvelle dans la commande. Contrairement aux Etats-Unis ou au monde de la pub, le réalisateur en France n’est pas considéré comme un technicien, mais un auteur, donc le rapport est autre. Alain Goldman est venu me chercher pour faire “le film”, non pas pour tourner un scénario.

On pourrait aussi faire un parallèle entre le parcours d’Octave, publicitaire bouillonnant et quête de spiritualité, et vous. Car vous avez été le cinéaste surexcité de Vibroboy ou Doberman, pour finir par être le réalisateur apaisé de Darshan…
Je suis l’enfant d’un monde vif, rapide. Un techno freak. Dans le film, j’ai réactivé ça… Même si je me sens plus proche de Charlie (le personnage de directeur artistique travaillant avec Octave) que d’Octave. Vibroboy (que j’ai réalisé grâce à l’argent que j’ai gagné dans la pub) et Doberman, c’était pour moi une façon un peu punk de dire au système d’aller se faire foutre. Après ces films, je me suis dit que j’allais chercher ailleurs, que la vie et la réalité ne pouvaient se limiter à ce que ma culture me proposait. J’ai trouvé. J’ai fait des films en fonction des changements dans ma vie… Et là d’un coup, avec 99 F, on me proposait de revenir dans ma culture, on m’offrait l’opportunité de revenir dans ma tribu, pour appuyer où ça fait mal, faire sortir un peu le pus, tout ça en rigolant. Et ça j’en avais envie.

Le film est une critique du monde de la publicité qui pourtant cite des marques et donc leur fait de la pub. Comment avez-vous géré ce paradoxe ?
J’ai veillé à ce qu’on n’ait pas d’accord financier avec des marques. Comme pour tous les films, la costumière a dû se faire prêter des vêtements ou des chaussures, mais il n’y a pas de placement de produit dans 99 F. Or dans le cinéma aujourd’hui, le placement de produit c’est énorme. Quand on voit un James Bond, on voit le futur de la pub. Tous les publicitaires le disent : “Quand on a une campagne d’un million de dollars à faire, plutôt que de produire un film à 500.000 et d’acheter quatre spots, on va investir cet argent dans un long métrage pour que le héros monte dans notre voiture.” Les américains ont compris il y a longtemps que le cinéma pouvait servir à vendre des produits mais aussi à vendre un idéal de société.

99 F évoque Fight club de David Fincher…
Pour moi c’est un film de chevet d’Octave. Et il fallait faire un clin d’œil à Fight club, d’où la scène des étiquettes. On pouvait lire dans le texte d’une étiquette : “Oui je sais cette idée est dans Fight club mais je suis publicitaire et je recycle !” Mais je crois qu’on peut dire que 99 F est le Fight club du yaourt !

Visionnez la bande-annonce du film :