Justice. Un métal toxique dans les aliments pour animaux
En 2004 et 2005, plus de 5.000éleveurs ont vu leurs animaux intoxiqués par du cadmium, un métal lourd toxique. Hier, les dirigeants de trois entreprises impliquées dans cette contamination étaient jugés à Saint-Brieuc.Cadmium: métal lourd, utilisé principalement dans les batteries, d'une toxicité aiguë et qui peut provoquer chez l'homme gastro-entérites, vomissements et diarrhées. Entre septembre2004 et avril2005, cet élément chimique a été présent dans des compléments alimentaires pour animaux. À des quantités 300fois supérieures aux limites réglementaires. Au total, ce sont des dizaines et des dizaines de milliers d'ovins, de bovins, de volailles et de porcs qui ont été contaminés. Selon des éleveurs membres de la Confédération paysanne, certains animaux sont morts. D'autres ont été victimes de problèmes de fécondité et d'infections.
120 tonnes de sulfate de zinc importées de Chine
L'affaire débute au début de l'année 2005, lorsque des éleveurs clients de la société laitière de Retiers (35), filiale de Lactalis Industrie, signalent à l'entreprise le manque d'appétit de leurs animaux. Rapidement, le vendeur d'aliments découvre l'origine du mal. D'abord auprès de MG2Mix, son fournisseur de prémélange, puis auprès de la société Odifa, spécialisée dans la fabrication de produits azotés. En septembre2004, les dirigeants d'Odifa avaient en effet importé de Chine 120 tonnes de sulfate de zinc; produit destiné à la commercialisation pour l'alimentation animale. Seulement, à l'arrivée de la commande, aucun contrôle n'a été effectué pour vérifier la teneur en cadmium. Et jusqu'en avril2005, ce sont 68 tonnes de ce sulfate de zinc qui ont été vendues à dixfabricants d'aliments pour animaux (dont MG2Mix). Lorsqu'ils se sont rendu compte de l'intoxication, les dirigeants de Lactalis, de MG2Mix et d'Odifa ont décidé de prévenir leurs assureurs respectifs. Mais pas les autorités. Ils ont également récupéré chez leurs clients les produits encore non utilisés. Mais sans leur expliquer pourquoi.
Pas de risque sanitaire pour l'homme
Tout aurait donc pu en rester là si, en décembre2005, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) n'avait décelé sur un aliment minéral pour bovins une teneur en cadmium de 1.500mg/kg. Là où la réglementation autorise 5mg/kg. Dans les semaines et les mois suivants, les enquêteurs de la DGCCRF ont réussi à remonter jusqu'à Saint-Etienne-du-Gué-de-l'Isle (22) et l'entreprise Odifa. Dans le même temps, l'Afssa(Agence française de sécurité sanitaire des aliments) s'est penchée sur la dangerosité du cadmium pour l'homme lorsque celui-ci consomme des abats d'animaux contaminés. Mais malgré le caractère impropre à la consommation de ces aliments, l'agence a écarté tout risque sanitaire.
Une analyse à 600 € aurait permis de tout éviter
Hier, lors de l'audience devant le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc, les dirigeants d'Odifa, Lactalis Industrie et MG2Mix, poursuivis pour «tromperie sur la marchandise», n'ont pas contesté les faits. Questionné par un avocat de la défense, l'ancien patron d'Odifa a même répondu qu'une analyse d'un coût de 600€ aurait permis de s'assurer de la teneur en cadmium. Si le tribunal suit le réquisitoire du procureur Gérard Zaug, il devra s'acquitter, au pire, d'une amende avec sursis. Tout comme ses deux co-prévenus. Jugement le 30juillet.