Un peu plus tôt, dans la journée, le Ministère de l'intérieur avait pourtant formellement interdit ce rassemblement, considéré comme illégal, et organisé à l'initiative de Mir Hossein Moussavi, le rival principal d'Ahmadinejad aux élections - le premier à avoir dénoncer la fraude. Mais les manifestants ont préféré braver courageusement l'interdit. Dès quatre heures de l'après-midi, des milliers de personnes ont commencé à se rassembler un peu plus haut, sur la place de la « révolution » - en référence au dernier soulèvement populaire du même genre, en 1979. Equipées de baskets sous leur long manteau, de nombreuses femmes ont répondu à l'appel. A la fois acteurs et témoins de cette forme inédite de désobéissance civile, la moitié des manifestants s'improvisent en journalistes, armés d'appareil photos et de mini-caméras. Magie des nouvelles technologies, et véritable défi contre la censure : dans quelques minutes, leurs images feront le tour du monde.
Sous une pluie de cris de joie, Mir Hossein Moussavi, le « héro » du jour finit par rejoindre la foule, épaulé par Mehdi Karroubi, autre candidat malchanceux aux élections et Mohammad Reza Khatami, le frère de l'ex-président réformiste. C'est sa première apparition publique depuis le soir du scrutin - à la suite duquel les rumeurs disent qu'il aurait été assigné à résidence surveillée. Dans la foule, un seul mot d'ordre : poursuivre la mobilisation jusqu'au bout. Certains organisateurs proches de Moussavi appellent même à une grève générale, et à de nouvelles manifestations. Comme si le mur de la peur était brisé. Au risque de leur vie, pourtant, comme cet homme qui aurait succombé au tir d'une balle, en fin de journée, selon le témoignage d'un photographe. Comme ces cinq étudiants tués, la nuit dernière, dans un dortoir universitaire de la capitale. Ce soir, en fin de journée, l'odeur de pneus brûlés qui émane à nouveau des grandes places téhéranaises laisse présager une nouvelle nuit blanche. Mais les miliciens continuent, eux aussi, à roder dans les rues.