Quelle est le point commun entre la physique quantique et le journalisme ? “La théorie quantique explique qu’on ne peut mesurer un système sans l’influencer. Pour moi, la même chose se passe dans le domaine du journalisme“. Tel est le principe d’incertitude. Nous sommes tous de quelque part. Nous avons tous notre bagage et nos filtres. L’objectivité totale est donc un leurre en matière journalistique.
Inoculer une culture de l’innovation grâce au journalisme
“Les journalistes ont un rôle immense à jouer pour amener l’innovation au coeur du débat public“, juge David Nordfors, aujourd’hui directeur exécutif de VINNOVA Stanford Research Center of Innovation Journalism, à l’Université de Stanford, en Californie. “Il y a une déconnexion entre les politiques et l’économie de l’innovation, explique David Nordfors, les élus parlent encore beaucoup de l’économie passée. Ces derniers sont obligés d’agir ainsi pour être élus (Ndlr: au risque sinon de ne pas se faire reprendre par les médias). Mais si les journalistes commencent à parler d’innovation, de la façon dont les choses sont réalisées différemment qu’avant, les hommes politiques auront une bonne raison pour commencer à s’exprimer sur le sujet“.
“Notre vie de tous les jours n’est plus guidée par le fait de continuer à faire plus de la même chose.(…). Le centre de gravité de la société évolue vers une dynamique de changement (…) vers l’innovation de nouvelles choses” poursuit David Nordfors.
Les journalistes ne sont pas prêts à couvrir l’innovation
Voeu pieux ? A ce stade, peut-être. Les médias et les journalistes ne disposent pas, en interne, d’une organisation appropriée pour parler des changements profonds dictés par l’économie moderne, devenue une économie de l’innovation. Le découpage en rubriques des rédactions est comparable aux silos qui emprisonnent les entreprises dans leurs habitudes. Cette façon d’organiser l’information prive aujourd’hui les journalistes d’une vision globale.
“La plupart des journalistes vont dire qu’ils couvrent l’innovation. Le fait est que, souvent, ils ne le font pas correctement. Vous allez encore trouver beaucoup de chefs de la rubrique technologies qui refusent, par exemple, de parler des conditions de travail car ils estiment que cela sort de leur thématique. Or, d’après moi, ils devraient être prêts à le faire”. Tout influence tout… Dès lors, compartimenter équivaut à faire fausse route.
Etre innovant soi-même
S’inscrire soi-même dans une culture de l’innovation et du mouvement, cela aide, bien sûr, quant il s’agit de parler aux autres d’innovation. “Au début des années 90 en Suède, il y avait un magazine spécialisé en informatique appelé “The Windows Magazine”. Le magazine était réalisé sur des machines à écrire. Leur travail était d’écrire à propos des ordinateurs, pas de les utiliser. (…). Les journalistes qui utilisent des ordinateurs sont sans doute plus aptes à couvrir le domaine que ce ceux qui ne le font pas. De la même manière pour couvrir convenablement l’innovation, votre organisation devrait l’être également. Vous serez plus susceptible d’en comprendre le fonctionnement“.
L’économie est mouvante. Nous inventons constamment de nouvelles choses. De nouveaux services. De nouveaux modèles. Bref, “le monde entier change!”. Le journalisme ne peut, ne doit, dès lors, se soustraire au changement. Il devient la norme. “Le journalisme doit lui-même entrer dans l’économie de l’innovation, insiste David Nordfors. Pour ce faire, il doit continuellement se réinventer“.
Voilà qui ne devrait pas manquer d’inspirer le secteur, plongé dans une crise sans précédent.
Interview de David Nordfors, à l’Université de Stanford, par Entreprise Globale
Le centre de recherche du journalisme d’innovation de Stanford est une association entre VINNOVA, une agence de l’Etat suédois, dont le but est de promouvoir la recherche et l’innovation et le centre de recherche H-Star, basé à Stanford University, dont l’objet est l’étude pluridisciplinaire des interactions entre les gens et les nouvelles technologies.
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