Le mot de l'éditeur : "Par calcul ou par bêtise, des textes indigents sont promus au rang de chefs-d'oeuvre. Leur fabrication suit des recettes assez simples. Pierre Jourde en donne quelques-unes. Il montre comment on fait passer le maniérisme pour du style et la pauvreté pour de la sobriété. Cette " littérature sans estomac " mélange platitudes, niaiseries sentimentales et préoccupations vétilleuses chez Christian Bobin, Emmanuelle Bernheim ou Camille Laurens. Il existe aussi des variétés moins édulcorées d'insignifiance, une littérature à l'épate, chez Darrieussecq, Frédéric Beigbeder ou Christine Angot. La véhémence factice y fait proliférer le cliché. Ce livre renoue avec le genre du pamphlet et s'enthousiasme pour quelques auteurs qui ne sont pas des fabricants de livres, mais des écrivains."
Cet essai est constitué de divers articles rédigés par Pierre Jourde au sujet de la littérature contemporaine. Il y brocarde allègrement ce qui passe pour le fin du fin en matière de critique et de création. L'auteur fait cependant preuve de nuances : s'il ridiculise à l'envi les auteurs dont il estime le succès immérité, il tente également de rendre justice à d'autres : aux écrivains chers à son coeur, à Jean-Pierre Richard, un critique littéraire dont il loue la pénétration, à Michel Houellebecq dont il analyse l'oeuvre avec une impartialité méritoire. Toutefois, les meilleures pages de ce livre sont, à mon sens, celles où il exerce son talent pamphlétaire. Il dénonce avec une réjouissante férocité la mainmise dictatoriale exercée par le trio infernal Sollers-Savigneau-Forrester sur le monde des lettres, avant de passer à l'examen des faux chefs-d'oeuvre encensés par une critique complaisante. Ce qu'il voue aux gémonies, ce n'est ni la littérature populaire (dont il rappelle qu'elle a produit de grandes oeuvres), ni même la littérature commerciale et considérée comme telle, mais bien plutôt celle qui, prétendument novatrice et exigente, jette de la poudre aux yeux du lecteur non averti. C'est celle-ci que Jourde dénonce avec raison, tant il est vrai qu'elle fausse le jugement du public et donne de l'art du roman une image fade et réductrice. Il distingue trois archétypes de cette imposture : l'écriture blanche (simplisme déguisé en sobriété), l'écriture rouge (lyrisme de pacotille, cabotinage), et l'écriture écrue (minimalisme, affectation d'authenticité). La façon dont il malmène et pastiche ses bêtes noires (Angot, Beigbeder, Delerm, Roze, Laurens, Darieussecq et consorts), extraits à l'appui, est savoureuse.
Néanmoins, le présupposé sur lequel il fonde toute sa critique me laisse dubitative. Le reproche commun qu'il adresse à ces scribouillards est le même que celui qu'il fait à la presse people : faire croire que tel personnage, ou tel individu réel, est intéressant en lui-même, dans ce qui fait sa particularité et le rend singulier; faire l'éloge de la différence pour elle-même, ce qui en fait une valeur vide de sens. Je ne suis pas certaine de le suivre dans de telles considérations, et encore moins dans les pages qui suivent, consacrées aux auteurs qu'il aime. N'ayant pas étudié la littérature à la fac, et n'étant pas au fait des recherches en ce domaine, il me manque l'étayage théorique qui me permettrait de comprendre cela. Des passages longs et embrouilés concernant Novarino, Chevillard, Guégan et les autres, je n'ai retenu qu'un fatras répétitif au contenu énigmatique. (Si l'un-e de vous a lu et compris ce galimatias, ce serait vraiment gentil de me l'expliquer...)