Législation - La ministre de la Culture annonce la création de neuf tribunaux de grande instance en région, spécialisés sur les dossiers de téléchargement. Un projet irréaliste selon l'Union syndicale des Magistrats.
Le gouvernement maintient le cap, s'efforçant par des exercices de communication de crier victoire. Invitée du journal de TF1, Christine Albanel martèle que le Conseil constitutionnel a validé le texte de loi à 90 %. Une victoire pour la majorité, donc ?
Plusieurs autres voix à droite, dont celle de Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, accuseraient presque à mots couverts les Sages d'avoir simplement durci la loi Création et Internet.
Succès du volet « pédagogique » d'Hadopi selon Albanel
En retirant à l'autorité administrative le droit de juger et de sanctionner, le Conseil constitutionnel aurait judiciarisé la riposte graduée, quand le gouvernement se serait efforcé de mettre en place un dispositif « pédagogique ».
Reste que le ministère de la Culture et le gouvernement doivent désormais composer avec la décision du Conseil constitutionnel. Première étape : promulguer la loi amputée afin d'entériner, dès cet été, la création de la Haute autorité (Hadopi) pour engager le dispositif de surveillance des internautes. L'envoi des premiers avertissements aux internautes soupçonnés de téléchargement pourrait ainsi suivre dès cet automne.
Seconde étape : le gouvernement doit proposer un complément à la loi à l'Assemblée pour tenir compte de l'avis du Conseil constitutionnel. Cela signifie un nouvel examen de texte et un vote par les députés et les sénateurs.
Rejetée une première fois, dans un Hémicycle vide, puis adoptée lors d'une deuxième lecture en vote solennel, la "nouvelle loi Hadopi " donnera lieu à de nouveaux débats. Mais cet examen de texte s'efface derrière une autre annonce du gouvernement : créer une structure juridique dédiée.
Neuf TGI en région, mais combien de recrutement de magistrats ?
La justice aura en effet à charge de juger les internautes soupçonnés de téléchargement - qui n'auront plus d'ailleurs à apporter la preuve de leur innocence comme la loi Hadopi le prévoyait initialement, notamment par l'installation d'un mouchard sur leur PC. Mais les tribunaux auront bien du mal à tenir la cadence prévue par Christine Albanel, à savoir 1 000 coupures de connexion Internet par jour.
Le gouvernement, qui préfère désormais parler d'une dizaine de coupures par jour et même d'amendes, a sa solution pour appliquer sa nouvelle loi sans souffrir de l'encombrement des tribunaux correctionnels : créer neuf tribunaux de grande instance en région pour gérer ces contentieux.
Frédéric Lefèbvre l'avait demandé, la ministre de la Culture le confirme : il y a aura un traitement spécifique à ces infractions sur Internet. Mais cette annonce suscite la perplexité, notamment de Laurent Bédoué, secrétaire général de l'Union syndicale des Magistrats, interrogé par le Figaro : «S'agit-il de créer des tribunaux spéciaux ou d'utiliser les tribunaux existants, pour commencer ? Dans les deux cas, ce serait en théorie possible mais à un coût considérable. En pratique, cela me paraît impossible vu le nombre de juges et de greffes qui seraient nécessaires.»
Véritable volonté politique ou simple effet de manche destiné à masquer l'échec d'un texte de loi vidé de son contenu.