Statut de la Fonction publique territoriale en danger

Publié le 14 juin 2009 par Michelmi

Sarkozy débordé sur sa droite. Le 21 janvier 09, une proposition de loi a été déposée par 87 députés issus de l’UMP du Nouveau centre et du MPF (villiériste)...

Intitulé « proposition de loi instituant la liberté de recrutement par les collectivités territoriales », ce projet, jusqu’alors passé inaperçu, propose pour tous les nouveaux recrutés à partir du 1er janvier 2010 « de transformer la règle actuelle en matière de recrutement des personnels en exception. Le statut de la Fonction publique territoriale actuellement en vigueur sera maintenu pour les fonctions « régaliennes » que remplissent les collectivités, l’état civil ou la police par exemple ». Pour les autres, le contrat de travail de droit privé !

Un délai d’un an serait laissé aux personnels déjà en place pour opter entre statut et contrat. A défaut de choix, les agents seraient maintenus sous statut.

Le même mécanisme a déjà été appliqué à La Poste et à France Télécom, en corollaire de l’ouverture au marché des missions. Et c’est bien ce dernier objectif qui est visé Europe libérale oblige en renforçant au passage les pouvoirs des élus locaux sur des personnels qui ne bénéficieraient plus de la protection contre l’arbitraire garantie par le Statut.

Il s’agit en clair d’en finir avec le Statut dans la Fonction publique territoriale, et à terme dans toute la Fonction publique, avant liquidation des missions de cette dernière.

Pour la Fonction publique territoriale, ce serait un grand bond en arrière de plus de 20 ans, tirant un trait sur une séquence historique de développement conjoint et cohérent du service public territorial, des emplois publics et des garanties statutaires.

Les arguments invoqués dans l’exposé des motifs pour justifier un tel projet sont mensongers à plus d’un titre. Par exemple, depuis la promulgation de la loi statut en janvier 1984, plusieurs dizaines de textes législatifs ou réglementaires ont été publiés pour « donner de la souplesse aux collectivités », de l’aveu même des auteurs de la proposition de loi.

Tant et si bien qu’aujourd’hui le nombre de contractuels ou de titulaires à temps non complet représente le tiers des personnels territoriaux. C’est pour cela que la CGT revendique une véritable loi de titularisation.

Il en va de même pour l’argument prétendant que le statut de la Fonction publique territoriale ne permettrait pas de reconnaître de nouvelles missions. C’est justement l’inverse qui s’est produit depuis 1984, de par le principe de la séparation du grade et de l’emploi.

De plus, à travers le répertoire des métiers du CNFPT, l’ensemble des nouveaux « métiers » correspondant à de nouvelles missions de service public trouve une traduction statutaire au sein de la fonction publique territoriale. Voilà donc la réponse aux luttes de la majorité présidentielle « en période économique difficile », comme ils disent...

Rendre les personnels éjectables à tout moment serait donc une réponse à celles et ceux en quête d’emploi? Une réponse adaptée aux attentes des populations en matière de développement des services publics?

Dans son discours de Nantes en septembre 2007, Sarkozy déclarait vouloir instituer le choix entre contrat et statut pour les nouveaux entrants dans la Fonction publique. En le débordant ainsi sur sa droite, 87 députés affichent clairement leur volonté d’en finir au plus vite avec un des piliers de la République décentralisée.

La question reste d’ailleurs ouverte quant à la position du chef de l’État et du gouvernement sur ce projet. Outre celle des habituels agitateurs ultralibéraux et de plusieurs parlementaires marqués très à droite, la présence parmi les initiateurs de cette proposition d’un certain nombre de personnalités tend à démontrer qu’il ne s’agit peut-être pas d’un simple ballon d’essai.

Ainsi, Jacques-Alain Bénisti, président de la Fédération des centres de gestion, et Georges Tron, secrétaire national de l’UMP en charge de la Fonction publique, figurent parmi les signataires du projet.

Cette proposition de loi, au même titre que le Livre blanc Silicani, la RGPP, le projet de loi « mobilité », le projet de loi sur les Partenariats Public Privé, le rapport Balladur, les réformes de la fiscalité locale et la remise en cause de la Dotation de Solidarité Urbaine ou suppression de la taxe professionnelle visent à la fois à réduire le champ d’intervention de la puissance publique au profit des marchés financiers et à remettre en cause le périmètre de la Fonction Publique et le caractère public et statutaire de l’emploi.