Les mains arrimées aux Kalachnikovs reposent sur les genoux des combattants et semblent prêtes à repartir au combat, à entraîner ces militants du Hamas vers un nouvel affrontement avec l’armée israélienne. Pourtant les yeux des soldats palestiniens, enfermés sous leurs cagoules, sont rivés à cette télé, captifs du nouvel hôte de la Maison blanche.
L’axe du mal s’est effondré avec l’ancien prêcheur, place à la parole de ce président qui prône la pacification. Tout est dans le regard, les yeux de ces visages camouflés s’inscrivent dans la même ligne, le même axe que celui d’Obama. D’ailleurs, la position artificielle de ces militants, disposés en biais pour regarder la télé, prolonge le regard d’Obama dans les yeux de ces militaires. On croirait que le président des Etats-Unis ne s’adresse qu’à eux, ne parle que pour les Palestiniens et dessine désormais l’axe d’une entente nouvelle.
La mise en scène de cette photographie voulue par le Hamas pour représenter la force militaire de leur mouvement politique, avec tous les symboles propres à la guerre comme les tenues, les armes, mais aussi l’étendard qui reprend sous la forme d’icône la Kalachnikov, fixe une déréalisation parfaite. Ainsi, le drapeau censé emporter notre regard en dominant la télé participe à construire au contraire un point de fuite en faisant de l’image d’Obama, la ligne médiane de notre champ visuel de co-spectateur du discours du Caire.
Mais par-delà cette démonstration de force ratée, l’image affiche l’intérêt désormais évident du Hamas pour une prise en main du conflit par les Etats-Unis en vue d’une paix durable entre les deux pays. Car après le blanc-seing accordé par l’administration Bush, depuis toutes ces années, au gouvernement israélien, Obama semble prêt à faire pression sur Netanyahou(1) pour qu’il accepte enfin la création d’un Etat palestinien et la suppression des colonies en Cisjordanie.
Et au travers de cette photo transparait tout ce qui pourrait poser bientôt des problèmes à Barack Obama. Car cette correspondance des regards entre le Hamas et le président démocrate donne toute la dimension, l’importance de l’attente qui existe en Palestine et surtout le revirement des Etats-Unis en faveur des Palestiniens. Abandonnée depuis toutes ces années au gré des décisions israéliennes, la Palestine s’est enlisée avec la montée des intégristes au pouvoir et de ce fait la représentation que les Américains se font des Palestiniens s’est considérablement dégradée.
Le parti républicain fonde désormais sa critique sur cette proximité prétendue entre les terroristes et Barack Obama. Et le «Salam Aleikoum » prononcé au Caire qui restera aussi historique que le fameux « Ich Bin ein Berliner » a définitivement fixé par la parole la volonté de Barack Obama de sortir du conflit israélo-palestinien qui gangrène toute la région. Les extrémistes israéliens(2) n’ont d’ailleurs pas tardé à donner leur point de vue du nouvel axe proposé par le président démocrate en le représentant avec un keffieh et une légende portant le qualificatif d’antisémite.
Laurent Monserrat
- Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou a appelé, dimanche 14 juin, “les dirigeants palestiniens à reprendre immédiatement des discussions de paix sans conditions préalables. Je dis aux Palestiniens ce soir : nous voulons vivre à vos côtés en relations de bon voisinage”, a-t-il ajouté.
- Près de 130 personnes se sont rassemblées, le 3 juin, devant le consulat américain à Jérusalem pour protester contre la tournée moyen-orientale du président américain Barack Obama”, rapporte Ha’Aretz. Les manifestants brandissaient des bannières défendant l’extension des colonies dans les Territoires palestiniens. Selon l’activiste d’extrême droite Itamar Ben-Gvir, “nous sommes apparemment arrivés à une ligne jaune que le plus antisémite des présidents américains a franchie. Nous lançons une campagne contre Barack Hussein Obama. Il est mauvais pour le peuple et l’Etat d’Israël, et sa politique pourrait nous mener vers un désastre.”
- PHOTOGRAPHIE : Eyad Baba/AP/Sipa