En effet,
parler de qualité c’est déjà sous entendre que ce qui est, ici et maintenant,
n’est pas de qualité. C’est dire à voix feutrée que le bordel est là, que la
mauvaise volonté est omniprésente et qu’il faut mettre les gens au parfum dans
l’attente de leur imposer un carcan appeler ISO 9001.
Je serais plutôt du goût à regarder sous un autre angle. En effet, ayant déjà implanté de l’ISO 9002 et 14001 dans ma première entreprise en 1996, j’ai découvert ce qu’étais la fameuse démarche qualité. Puis devenu consultant ayant une bonne trentaine de certification à l’actif (9001, 14001 et 16949 parmi des sociétés allant de 20 à 500 personnes), j’ai tout simplement fait un certain nombre de constats.
Le tout premier est qu’une entreprise n’ayant pas vraiment su s’organiser peut vraiment beaucoup apprendre d’une démarche ISO. Cette même démarche, si elle est menée jusqu’à la certification se retournera contre elle d’une manière ou d’une autre. Le système prendra le dessus sur la démarche !
En effet, la certification elle-même enferme l’entreprise dans des devoirs et, des fois, des âneries contre-productives. Une bonne démarche commence par connaître les limites à ne pas dépasser. Construire des cathédrales de procédures en utilisant le mot processus à tout bout de champs ne fait que décourager le commun des mortels.
Le second constat est que la démarche qualité se doit non seulement se faire au plus haut niveau mais ne doit surtout pas être de la pacotille de façade. Même le plus idiot des travailleurs sait quand on le prend pour un con. Pour lui, les actes comptent beaucoup que tous les charabia issus du manuel du bon qualiticien.
J’ai pu remarquer que l’engagement à vouloir faire mieux afin de produire mieux est beaucoup porteur que toutes les séances, les rapports et le nombre de formulaires à remplir. Ce que les gens ont besoin, c’est qu’on leur donne la liberté de faire ce qui leur semble juste et de bon sens dans le cadre de responsabilités bien délimitées.
A trop brider, on enferme par la raison mais le cœur n’y est plus. Tout responsable qualité sait que quand l’enthousiasme est là, le reste se fait de manière naturelle car mieux comprise. La qualité est un état d’esprit, un état de progrès, un état de changement.
Si une personne ne désire pas changer c’est parce que le problème se situe ailleurs. Non pas dans les procédures, non pas dans l’outillage mais surtout dans l ‘écoute que l’on a d’eux. Impulser la qualité c’est d’abord écouter, puis écouter et encore écouter.
Ensuite vient les techniques de résolution de problèmes et éventuellement les moyens financiers. Il faut bien comprendre que le principal problème d’une démarche d’amélioration (et non de qualité) vient du fait que le personnel ait envie de bien faire son job.
Or pourquoi ne le fait-il pas naturellement ? Parce que tout simplement on ne le considère pas personnellement dans un premier temps, on ne fait pas appel à son intelligence (et croyez-moi tout le monde en a) et à cet effet, on ignore toutes ses remarques concernant le matériel, les outils ou les matériaux entrants dans la composition de son travail.
Fort de cette ignorance de ce qu’il est, le collaborateur fait à minima en se disant que s’il ne fait pas trop de bêtise il conservera sa paye de misère. Faire une démarche de progrès, d’amélioration, c’est déjà faire le constat que l’on peut mieux faire. Ce constat est à mettre sur le dos de tout l’encadrement car c’est lui qui est principalement l’auteur de cet état de fait. Les chefs n’ont que ce qu’ils méritent.
L’employé n’est qu’un rouage que l’on veut tout simplement neutralisé par des procédures et des instructions. Lui, il s’en fout. Il vous dit oui, fait semblant d’écouter mais dès que vous avez le dos tourné, il a déjà tout oublié.
Alors si vous voulez faire dans la qualité commencez par la qualité des relations humaines puis ensuite des outils et matériaux et vous verrez naturellement que le produit final sera de bien meilleur niveau. Il ne vous restera plus qu’à améliorer votre organisation en débloquant la rigidité de votre structure quitte à abandonner certains privilèges maisons.
Le succès de votre entreprise dans une démarche « qualité » n’est pas d’améliorer le produit final mais d’abord d’améliorer le contexte dans lequel s’élabore le produit. Un collaborateur motivé c’est-à-dire pleinement reconnu dans sa capacité à démontrer son expertise, vous fera des miracles si vous le lui demandez.
Par contre si vous l’ignorez, il ignorera d’autant vos consignes. La Qualité commence dans la Qualité des relations humaines. Alors ne me parlez pas du système de management de la qualité, de la sécurité ou de l’environnement car il n’y a qu’un système : celui du management que vous appliquez aux hommes. De celui-ci dépendra l’excellence ou la médiocrité des autres facettes.
Et puis si vous voulez accroître la vitesse des voitures sur la route, commencez à boucher les nids de poules, les rétrécissements de voiries, les chantiers jamais terminés. Alors une fois mis une bonne couche d’enrobé, vous verrez que même la trottinette irrécupérable se sentira des ailes et roulera à une vitesse insoupçonnée.
Il ne vous restera plus qu’à indiquer les voies avec quelques couches de peintures, prévoir des panneaux de signalisation, quelques aires de repos et des radars. Ces derniers permettront à taxer d’une prime ceux qui roule plus vite que prévu tout en les incitant à acheter un véhicule encore plus puissant pour toucher encore plus !
Une démarche d’amélioration commence par traiter les nids-de-poule tout en sachant quelle sera la future voie. Mais ne mettez pas la charrue avant les bœufs. Les panneaux de circulation (procédures) ne seront véritablement efficaces que quand tout le monde pourra rouler non pas en regardant parterre pour éviter les nids-de-poule mais en regardant droit devant vers l’objectif à atteindre…
Laurent DUREAU