Cette "procrastination" sélective en dit long sur nos profondes aspirations. Pour moi, c'est comme les tâches d'huile sous la voiture. Cela me renseigne si je suis en train de fuir... une réalité qui ne me plait guère.
Outre cette facette d'auto-analyse, il arrive souvent que nous faisons de même par rapport à nos n-1, notre femme et nos enfants. C'est comme une paire de lunette qui permet d'avoir une grille de lecture de l'environnement dans lequel nous évoluons.
A ce titre, pour mettre en évidence une tendance fâcheuse de cette façon de regarder, je m'en vais vous raconter une petite histoire.
Un soir, comme tous les soirs, un homme fatigué de sa journée de labeur rentra à la maison. Il vit ses enfants s'amuser dehors et ce qui le frappa est qu'ils étaient encore en pyjama alors que le soleil commençait à s'estomper pour aller éclairer nos voisins d'en face (globalisation oblige !).
Continuant à avancer, il découvrit sur le gazon des cartons de repas congelés, de jus de fruit et d'emballages de paquets de gâteaux secs. Rentrant dans la maison, un bordel incroyable s'offrit à ces yeux. Vaisselle éparpillée, gamelle du chien renversée et cuisine sans dessus dessous lui fit craindre qu'un malheur ait touché sa femme.
Il alla donc instinctivement voir se qui se passait dans la chambre conjugale. Et il trouva sa femme en pleine lecture, encore en pyjama et confortablement installée au lit. Complètement surpris, la pensée que sa femme fasse une grève lui vint instantanément à l'esprit. Aie aie aie pensa-t-il, qu'est-ce que j'ai encore fait ou plutôt qu'est-ce que je n'ai pas fait ?
Alors, avec doigté et douceur, il lui demanda gentiment qu'elle en était la raison. Alors sa femme lui répondit très calmement :
- Tu sais, chaque jour en rentrant, tu me demandes ce que j'ai fait durant la journée et quand je réponds que je me suis occupée de la maison et des enfants... Tu me dis :
- C'est tout?
- Eh bien, aujourd'hui, je n'ai rien fait!
Cette petite histoire, démontre que bien souvent nous sommes à mille lieux de savoir ce qu'à fait notre femme dans la journée et à l'identique d'un collaborateur (trice) qui s'escrime tous les jours sans que nous prenions conscience de l'ensemble des tâches effectuées.
Le côté anodin de ces tâches routinières n'est pas à négliger surtout pour les encadrants et les dirigeants de tous bords. Autant il est plaisant de se donner de nouveaux projets, de nouveaux axes stratégiques, on oublie vite qu'il faut des petites mains pour faire que la maison ou l'entreprise reste vivable.
Alors quand bien même on est fatigué, il faut faire attention à nos réflexions car les autres, eux aussi, ont eu leur dose de labeur. Donc, évitez de dévaloriser par des petits mots, des petites réflexions banales en l'occurrence mais qui font très mal à la longue sur la motivation de vos troupes.
Bien des fois j'aurai échangé ma place de dirigeant pour être technicien de surface comme d'antan quand j'étais à l'armée. Ne plus avoir à réfléchir mais juste faire mécaniquement quelque chose en y mettant tout son coeur.
Alors faire la vaisselle, passez l'aspirateur, préparez quelque fois les petits plats ou tout bonnement repassez mes chemises fait que je fais plaisir à quelqu'un tout en me faisant plaisir. Le partage des tâches quotidiennes est souvent apprécié même si la journée a été très "lourde".
Je dirais que parce qu'elle a été très lourde, ce changement de registre d'activité me reconnecte à la "terre" et fais que cela me libère l'esprit. Combien de fois, ai-je eu de bonnes idées en lâchant prise tout simplement tout en sachant que je faisais plaisir à quelqu'un qui aura les yeux encore plus brillants à mon égard...
Le dévouement est une qualité typiquement féminine car il en faut beaucoup pour avoir des enfants et un... mari. Voici pourquoi, elles y sont si sensibles quand un homme se dévoue pour elle et pas seulement pour son job ou sa carrière.
Etre attentionné sur les petites choses quotidiennes vaut largement plus dans une relation qu'un bijou caillouté. L'un construit dans la durée alors que l'autre n'est que feu de paille... Je sais, je sais, elles veulent les deux : l'amour qui dure et l'amour passion.
Laurent DUREAU