Le voici, félin, puissant, redoutable : le jeune…

Publié le 14 juin 2009 par Boustoune


« Wé slt, M’sieur Stoune-Bou,
J’suis venu parlé d’un film k’est trop d’la balle. Ca s’appelle
Les beaux gosses, même si les personnages ils sont trop cheum, t’as vu… Mais ils déchirent grave. Ils sont trop drôles. Lol, mdr, ptdr du début à la fin.
Et puis C trop cool de voir un film ki parle de nous, les jeunes. C’est mieux que ces trucs relous du genre Lol ki se la pète grave. Genre Nianianialedjeuns, vazy, C trop pas bon…
Putain, G trop kiffé, quoi… 
J’imagine ke toi, t’as trop pas aimé, vu ke t’u kiffes pas les comédies et ke tu préfères les trucs intellos ke personne comprend.
Bah A+ »

Euh… Merci cher jeune lecteur anonyme d’avoir tenu à t’exprimer sur ce blog et donner ton avis sur Les beaux gosses, une comédie qui a charmé les spectateurs de La Quinzaine des réalisateurs, lors du dernier festival de Cannes.
Déjà, je tiens à préciser que j’aime bien les comédies quand elles sont réussies, ce qui est loin d’être le cas de certains navets sortis ces derniers mois, de Cyprien à Coco. Et, cela va te surprendre, je partage ton enthousiasme à propos de ce premier long-métrage de Riad Sattouf, assez irrésistible.
Le nom du cinéaste n’est probablement pas étranger à ceux qui s’intéressent à la bande-dessinée. Riad Sattouf est en effet l’auteur de plusieurs œuvres assez poilantes, comme « Pascal Brutal »(1) ou « Les pauvres aventures de Jérémie»(2). On lui doit aussi et surtout « Retour au collège »(3), une œuvre qu’il a réalisée en partageant le quotidien d’une classe de collégiens dans les beaux-quartiers parisiens, et « La vie secrète des jeunes » (4), un ensemble de petites chroniques réalisées pour Charlie-Hebdo, qui rendent compte des tics de langage et des comportements des adolescents.
 
Il a probablement puisé dans ces expériences, et dans ses souvenirs personnels, pour écrire le scénario des Beaux gosses, une étude assez fine des préoccupations adolescentes. Evidemment très centrées sur la sexualité et le désir d’émancipation.
Il suit les tribulations d’Hervé, grand nigaud de 14 ans titillé par ses poussées d’hormones. Il ne rêve que de sortir avec une fille, mais se prend râteau sur râteau. Pas facile de séduire les filles quand on est complètement niais, qu’on a un physique ingrat et boutonneux et qu’on traîne avec des potes tout aussi ringards. Comme Camel, fan de hard-rock et roi autoproclamé de « la branlette »… Pourtant, miracle, Aurore, une des plus jolies filles de sa classe semble s’intéresser à lui. De nouveaux horizons s’ouvrent à lui, mais encore faut-il être à la hauteur… C’est loin d’être gagné pour Hervé, grande gueule bravache devant ses amis, mais moins sûr de lui face à Aurore…
Le sujet n’est évidemment pas nouveau. On ne compte plus les « teen-movies » américains reposant sur les mêmes obsessions, le même humour potache. Et l’adolescence inspire fréquemment les auteurs de comédie à la française. Cette année, Lisa Azuelos nous a livré lol (Laughing Out Loud). Les années précédentes, on découvrait Nos 18 ans ou Et toi, t’es sur qui ?. Alors, que peut bien apporter Riad Sattouf à une thématique – l’adolescence - et un genre – la comédie générationnelle - ultra-balisés ?
    
Déjà, son sens aigu de l’observation. Dans ses bandes-dessinées, Sattouf a prouvé qu’il est un véritable sociologue, capable de retranscrire parfaitement tous les petits travers de ses concitoyens, les codes de langage et les attitudes d’une classe sociale, d’une génération, tout en abordant des sujets essentiels, universels. Ce portrait de la jeunesse d’aujourd’hui sonne donc particulièrement juste. Mais le film ne se veut pas « générationnel » pour autant puisqu'il ne cible pas spécifiquement un public jeune. En fait, Riad Sattouf a construit son film de façon à ce que chaque spectateur puisse se projeter dans les personnages et se souvenir de sa propre adolescence. C’est la raison pour laquelle les repères temporels ont été soigneusement effacés. Contrairement à la « vraie vie », les ados du film n’ont pas accès à la technologie. Pas de portables, de baladeurs MP3, de Chat sur msn ou de Facebook… Sattouf a créé un univers hors du temps et des modes, se concentrant sur les états d’âme – universels - de ses jeunes protagonistes. Un univers capable de toucher un large public.
Autre atout du film, l’humour ! Les beaux gosses est truffé de scènes véritablement hilarantes, de gags réussis et de répliques percutantes.
Le talent de Riad Sattouf, c’est d’avoir réussi à forcer constamment le trait de ses personnages et de ses situations sans jamais sombrer dans la caricature bas de gamme ou la vulgarité. La simple dégaine des personnages prête à rire : trognes impossibles, pleines de boutons, appareils dentaires hideux, coupes de cheveux hallucinantes… Ils sont à la fois irrésistibles et touchants, ces ados, dans leur mal-être, dans leur maladresse, mais aussi dans leur comportement souvent insouciant et cruel.
Les adultes ne sont pas mal non plus, entre profs dépressifs et parents fantasques – notamment la mère d’Hervé, indiscrète et obsédée par la sexualité de son fils…
 
Pour incarner tous ces personnages exubérants, le cinéaste a réussi à dénicher les acteurs adéquats. Le jeune Vincent Lacoste, avec sa voix grave et son ton mi-nonchalant, mi-goguenard, fait merveille dans le rôle d’Hervé. Et il sera difficile d’oublier l’incroyable look de Camel /Anthony Sonigo, petit beur hard-rockeur et « amateur de femmes mûres »… Petite touche de grâce féminine dans cet univers de mâles pubescents, Alice Tremolières restitue également très bien la complexité de son personnage, tendre et volage.
Et impossible de passer sous silence l’irrésistible performance de Noémie Lvovsky en mère casse-bonbons et envahissante…
Sattouf a aussi confié de tous petits rôles à ses potes dessinateurs. On retrouvera Fred Neidhardt, très bon en prof ringard et suicidaire, Marjane Satrapi en gérante d’un magasin de musique, et sans doute quelques autres par-ci par-là… Il a aussi donné un rôle surprenant à Valeria Golino, dans une vidéo un peu euh… spéciale, et fait d’Irène Jacob, l’ex-égérie de Kieslowski, un objet de fantasme, page 379 du catalogue de la Redoute millésime 1985 avant photoshop…
Très cru, très drôle et très finement observé, Les beaux gosses est un premier film réussi qui saura toucher tous les spectateurs, sans distinction de génération ou de classe sociale, et qui a même une bonne chance de devenir culte…
« Wé bah c’est ske j’ai dit en + long et en + chiant. Comment k’tu t’prends trop la teu-té, toi… Ch’ais pas trop pour c’t’histoire de générations et tout, mais j’vous dis viendez voir le film, vous s’rez pas déçus… A+ les gens !»

Euh, le jeune, il faut nous laisser maintenant… (Non mais on n'est plus chez soi, ici…)
Note :
(1) : "Pascal Brutal" T1 à 3 de Riad Sattouf – ed. Fluide Glacial
(2) : "Les pauvres aventures de Jérémie"  T1 à 3 – ed. Dargaud
(3) : "Retour au collège" de Riad Sattouf – coll. La fouine illustrée - ed. Hachette
(4) : "La vie secrète des jeunes" de Riad Sattouf – ed. L'association