Sa robe fleurie entre printemps-été, faisait de celle qui nous proposa un dîner végétarien de beignets de fleurs d’acacias et de salades composées, cueillies dans le jardin familial, une jolie fée.
De voir cette jolie fée, jeter de ses mains délicates, des fleurs dans de l’huile bouillante,
avait quelque chose d’insolite.
La fée savait-elle seulement que son régime végétarien pouvait frustrer ses invités qui ne conçoivent pas un vrai repas sans viande.
On pourrait même affirmer que c’est la perspective d’être privé de viande qui a motivé cette remarque surprenante de cynisme de l’un d’eux qui, à la vue d’un chat ronronnant sous des caresses, s’exclama : « le chat, il suffit de lui couper la tête, et tu as un lapin ! ».
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Est-ce de là que venait l’espèce de contrariété au bonheur simple programmé par l’hôtesse. ?
Car ni le soleil encore présent, ni la promesse généreuse d’un arbre fruitier, n’avaient pu déplier les traits crispés et ficelés par le stress de l’un des convives. Il était complètement absorbé par son statut de chef d’équipe astreint quotidiennement aux résultats. Il en parlait sans cesse et personne n’arrivait à l’en distraire, même pour le temps d’un dîner.
Si on pouvait être tenté de chercher à sortir ce chef d’équipe de sa morosité, on était obligé de se retenir devant celle d’un autre invité. En effet, il aurait fallu un miracle pour que celui-ci puisse poser ses soucis.
Il était en train de disséquer des courriels relatifs aux réactions très nombreuses et cruelles d’une jeunesse africaine éprouvée et révoltée après la mort d’un chef d’Etat dont la sagesse chantée par quelques personnalités devenait une « sagesse et une puissance de pacotille » pour une certaine classe d’intellectuels.
Et l’invité de citer cet extrait du texte de S.Tonme :
« L’on a beau essayer de jouer des apparences, les souffrances que ces présidents engendrent, les humiliations qu’ils génèrent, et les travers qu’ils secrètent au quotidien, constituent globalement les éléments du tableau par lequel, l’Afrique noire particulièrement, demeure à la traîne du reste du monde.
(…)Ces pillards ne sont en fait ni puissants ni sages, ils sont mortels, faibles, fragiles, pitoyables.
(…. )Ces individus qui au soir de leur vie remplie d’agapes et d’autant de regrets, ne songent pas à quitter rapidement le pouvoir et à s’excuser, méritent tous les procès, toutes les sentences, et toutes les condamnations.
Omar Bongo est mort dans le plus inacceptable des chagrins pour lui, dans la pitié et la solitude du roi nu. (…)Mais l’histoire est sans pitié pour les dictateurs, qu’ils meurent au pouvoir comme ces Eyadema, Bongo, et Conté, ou qu’ils aillent finir comme des chiens errants ailleurs longtemps après avoir été chassés à l’instar du Shah palhévi…
(…..)Vous êtes, tous ces chefs autoproclamés présidents, un embarras pour le continent, et votre mort dans la posture de malade avide des privilèges et des honneurs illégitimes, constitue une très grande honte. Ce ne sont pas seulement vos enfants, familles et proches qui sont couverts de honte, c’est une race, la race des noirs, de tous ceux qui subissent impuissants, votre dictature et vos innombrables abus. »
Après cette lecture, il devenait difficile pour tout le monde de poser ses soucis.
Dans cette atmosphère où le bonheur simple semblait être contrarié par certaines humeurs et cette actualité, la PAUSE SOUCIS avait assurément du mal à s’imposer.
L’instant devait être hanté ! Solution ancestrale : chasser l’esprit «ensorceleur » !
S’entêtant à fixer ce bonheur fugitif, et avant que la braise n’inspire à l’autre, l’idée d’y griller le chat devenu « un lapin » pour satisfaire son instinct carnivore, une des convives y jeta une poignée de gomme munass dont la fumée est réputée chasser l’esprit ensorceleur et exorciser les démons.
Pourquoi cette fumée ne serait elle pas efficace sous ces cieux ?
Elle fut efficace. Son odeur rappela aux convives les plus maussades celle de leur terroir, celle de leur enfance et surtout celle de leur mère. A la façon dont leurs visages étaient illuminés et détendus, je présumais que l’amour de leur mère les avait irrigués.
C’est là juste une façon de souhaiter Bonne fête aux mamans, (ce n’est jamais tard), et par ailleurs faire faire une récréation aux esprits après les précédents billets.
Safi Ba