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134 milliards de dollars - trop gros pour être faux

Publié le 14 juin 2009 par Jean-Marie Le Ray

Rue89 publie un billet qui démonte la rumeur en se basant sur une info de Bloomberg qui m'avait échappée :
Such high denominations would not have existed in 1934, the purported issue date of the notes, Mecarelli said. Moreover, the “Kennedy” classification of the bonds doesn’t appear to exist, he said.
Selon Rue89, les déclarations du Col. Rodolfo Mecarelli, interrogé par Bloomberg, ne laissent guère de place au suspense.

134 milliards de dollars - trop gros pour être faux
Disons d'emblée que si ces titres sont effectivement datés 1934, alors la certitude est quasi mathématique que ce sont des faux. Voir ici.

Ceci dit, j'ai contacté la journaliste de Bloomberg à Milan pour me faire confirmer que le Colonel a bien été interrogé par Bloomberg, qui est la SEULE source à rapporter cette info, puisque je n'ai trouvé AUCUNE déclaration de Mecarelli en italien qui date les titres.

La seule interview apparemment disponible, que j'ai déjà mentionnée dans mon précédent billet, et selon laquelle un journal comme Die Welt affirme que les titres sont vrais (si j'ai bien compris), dit ceci :
Pour l'heure, je peux seulement dire que nous avons de gros doutes sur les 10 bons "Kennedy", d'une valeur nominale de 1 milliard $ l'un, tandis que les bons de 500 millions sont imprimés sur du papier filigrané d'excellente facture, ils semblent plus crédibles.
(...)
Naturellement, nous collaborons avec des experts des services secrets américains, et nous devrions bientôt disposer d'expertises officielles pour éclaircir la question.
(...)
Les japonais, en transit de l'Italie vers la Suisse, ont été interrogés et ont déclaré ce qu'ils avaient à déclarer. Ils sont à présent en liberté, je ne peux en dire plus pour le moment.

* * *
Per quanto riguarda i 10 bond denominati "Kennedy", dal valore nominale di 1 miliardo di dollari, posso dirle soltanto che abbiamo forti perplessità. Mentre per i 240 titoli da 500 milioni, la carta è filigranata e di ottima fattura. Sembrano più credibili.
(...)
Ovviamente collaborano con noi esperti americani del Secret Service. Al termine avremo perizie ufficiali per dirimere la questione.
(...)
I giapponesi, che viaggiavano dall'Italia alla Svizzera, sono stati interrogati ed hanno rilasciato le loro dichiarazioni. Al momento si trovano a piede libero. E naturalmente non posso dirle di più.
Donc nulle part il n'est question de titres datés de 1934. Nous verrons si la source est confirmée. Certains ont déjà noté la différence entre Die Welt et Bloomberg.

[MàJ - 11h20'] Quelques minutes après avoir posté ce billet, j'ai reçu une réponse de Sonia Sirletti, la journaliste de Bloomberg à qui j'ai écrit hier soir, qui me confirme qu'elle a interviewé personnellement le Colonel Mecarelli. Dont acte.

Il n'en reste pas moins que trop d'interrogations demeurent sans réponses, comme j'essaie de le montrer dans ce qui suit...

* * *
Pour autant, je ne suis pas tellement d'accord avec Rue89 qui taxe ça vite fait de "banale escroquerie". Une arnaque de 134,5 milliards n'est pas banale. Je pense même qu'à ce niveau-là, on doit plutôt les compter sur les doigts de la main.

Car selon moi, de même que l'affaire est trop grosse pour être vraie, elle est également trop grosse pour être fausse. Trop de choses clochent dans cette histoire mystérieuse, pour bien des raisons :
  • Le montant : 134,5 milliards $ (pas loin de 100 milliards € au change actuel), c’est du jamais vu ! En valeur, c’est plus de deux fois le scandale Madoff, 20 fois la peccadille Kerviel, aucun des plus gros fortunés du monde ne possède à lui seul un tel pactole, pas même les mafias, mais SEULS … des états, ou des gouvernements. Notamment sur les bons Kennedy d'1 milliard $, qui ne pourraient circuler qu'entre États ... s'ils étaient vrais, c'est clair. Mais a priori ça circonscrirait le champ des recherches. D'ailleurs au mois de mars 2009, seuls trois états au monde possédaient de telles réserves, la Chine, le Japon (20%) et la Russie. Outre la Banque centrale des Caraïbes et des pétroliers…

  • Les modalités : à Chiasso, petit poste frontalier entre l’Italie et la Suisse, les douaniers doivent voir passer autant de japonais qu'il y a d’européens ou d’américains qui vont en vacances en Corée du Nord…
    Donc que ce couple étrange ait éveillé les soupçons des douaniers, c’est la moindre des choses. Quant à savoir pourquoi ils ont choisi cette façon d’entrer en Suisse, c'est difficile à expliquer. La seule explication que je trouve plausible, c’est que les japonais auraient grandement sous-estimé les italiens ! Ils ont dû se dire que c’était gagné d’avance, mauvais calcul  ! Car comme l’a observé très justement quelqu’un sur un forum :
    je connais ce poste frontière. C'est "perdu" avec TRÈS peu de passage "étranger", quasi que des "frontaliers" sauf en période touristique. Pas bien renseignés ces japs...

  • La mise en liberté : ces deux « japonais » ont été relaxés quasi-immédiatement, alors même que les autorités japonaises déclaraient ne pas encore être sûres de leur citoyenneté et que les autorités italiennes déclaraient ne pas encore savoir si ces bons sont vrais ou faux. Or dans ces conditions, la garde à vue ne s'imposait-elle pas, tout au moins jusqu'à avoir obtenu une réponse fiable à ces deux inconnues ?

  • La matérialisation des titres : il existe encore des bons papiers et le document que j'ai précédemment indiqué montre bien l'existence de U.S. Treasury Checks de 500 millions $ l'un avec échéance à 5 ans (toujours sans connaître la nature précise des bons, contrefaits ou non) ;

  • Les messages du scam nigérien japonais sont totalement farfelus, limite désinformation maintenant que l'histoire est sortie !
    Greetings from Milan,

    This letter must come to you as a big surprise, but I believe it is only a day that people meet and become great friends and business partners. I am Mr. Shoichi Nakagawa, former Finance Minister for a Group of 7 country. I write you this proposal in good faith, believing that I can trust you with the information I am about to reveal to you.

    I have an urgent and very confidential business proposition for you. In February of this year an agent of a foreign power spiked my cold medicine with opiates causing me to nod off during an important press conference. I was subsequently forced to resign in disgrace.

    As my termination loomed I took the chance to retain US DOLLARS 134 BILLION in negotiable bearer bonds I found forgotten in the dusty bottom drawer of the prime minister's desk. I have since, by the grace of God, deposited these documents with trusted associates in Italy.

    As I am under constant surveillance I cannot directly deposit these bonds without the help of a foreigner and that is why I am contacting you for an assistance. My associates will travel to Switzerland by train to deliver the documents to the Swiss banking organization of your choice.

    If you accept to work with me, I want you to state how you wish us to share the funds in percentage, so that both parties will be satisfied. If you are interested, contact me as soon as you receive this message so we can go over the details. Thanking you in advance and may God bless you. Please, treat with utmost confidentiality.

    I wait your urgent response.
    Regards,

    Mr. Shoichi Nakagawa

  • Le moment où cette histoire sort : crise financière mondiale, très fortes tensions sur le dollar américain, coïncidence de la somme avec la disponibilité annoncée dans le cadre du TARP ou encore avec les 134,5 milliards $ que les japonais auraient investis en bons du Trésor entre janvier 2004 et janvier 2005...

  • Les motivations : c'est la partie plus difficile à définir, là encore indépendamment de la véridicité ou non des titres...
Avec toutes les questions connexes que ces "motivations" et les circonstances soulèvent :
  1. Si les titres sont vrais, pourquoi les passer de cette manière et risquer tant ?

  2. Dans le cas contraire, qui peut espérer en 2009 tromper un interlocuteur forcément institutionnel, à ce niveau-là, en lui présentant de faux titres portant une date à laquelle aucun bon de ce montant n'aurait été émis !? Une trame tellement grossière d'un côté, contredite de l'autre par l'excellente facture du papier filigrané, d'une qualité telle que les douaniers italiens, pourtant pas les premiers venus, doivent faire appel à des experts américains ?

    Et surtout, s'ils sont faux, est-ce la première fois que cette contrebande se produit ? Qui nous dit que chaque semaine, jour ou mois, il n'y pas un passeur plus anonyme qui aurait réussi à ne pas se faire prendre. Et depuis combien de temps ? Pour quels montants ? Et qui nous dit alors que le but de ces deux japonais n'était pas justement de se faire prendre ?

  3. Last but not least, pourquoi la réaction des grands médias dans le monde est-elle aussi circonspecte ? Rukin commente :
    Il ne s'agit certainement pas d'un quelconque complot du silence mais je pense que les journalistes doivent avoir beaucoup de mal à donner du sens à cette info...
    Certes, mais de là à ne pas en parler, il y a de quoi se perdre en conjectures...
Tout ça fait quand même beaucoup de questions sans réponses. Trop !

En conclusion, comme l'observe un blogueur américain spécialisé dans la finance, même si les titres sont faux, cette histoire n'en demeure pas moins un signal inquiétant de désinformation ou de manipulation à grande échelle.

Donc, au final, que les titres soient vrais ou faux, je crois surtout qu'avec cette mystérieuse histoire on se fout de notre gueule dans les grandes largeurs !

Jean-Marie Le Ray
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Actualités, Italie, 134 milliards

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