Ainsi, l'invitation au voyage s'est conclue, pour la première étape du périple austral tricolore, par un succès. Le premier en 15 ans sur ces terres traditionnellement inhospitalières au rugby étranger. Car si les Français n'ont réussi à l'emporter qu'à quatre reprises en 21 rencontres disputées au pays du long nuage blanc, peu d'équipes ont réussi à s'y imposer.
Certes, en face, ces Blacks, présentés comme l'une des moins bonnes équipes alignées depuis longtemps, ne présentaient leur meilleur visage : privé de quelques uns de ses meilleurs éléments, les All Blacks sont apparus fébriles, maladroits, incapables de produire un jeu d'attaque efficace sur l'ensemble de la rencontre. Sporadiquement, les hommes du capitaine Muliana sont parvenus à exploiter proprement des ballons d'attaques et à afficher des intentions dignes du standing Néo-zélandais. Mais ce fut insuffisant pour gagner, face à des Français remarquables d'abnégation.
Comme toujours face aux Blacks, la victoire s'est d'abord jouée en défense. Et dans ce domaine, le XV de France a vraiment fait plaisir à voir. Conduit par un Thierry Dusautoir à son meilleur niveau, les défenseurs tricolores ont fait souffrir leurs adversaires dans les rucks, parvenant même à grapiller des ballons dans ces phases de jeu traditionnellement cadenassées par les hommes en noir. On disait les Français fatigués par leur saison à rallonge, et ce fut le cas. Le retour au score des Blacks en deuxième période dut beaucoup au manque de fraîcheur des bleus. Pourtant, les hommes de Marc Lièvremont n'ont rien lâché et sont même parvenus à redonner un coup de collier pour prendre dix points d'avances à dix minutes de la fin du match. Malgré un retour des Blacks par un essai de Ma'a Nonu à la 75ème minutes, le XV de France a tenu bon et a donc remporté un brillant succès, sur le score de 27 à 25.
Tous les joueurs ont fait honneur au maillot bleu, mais certains ont été plus à leur avantage que d'autres. Devant, outre Thierry Dusautoir, on citera William Servat, redoutable dans les rucks, Fabien Barcella, précieux dans les regroupements et qui a mis au supplice son adversaire direct en mêlée, le colosse Tialata. La deuxième ligne a abattu un gros travail, notamment Romain Millo-Chluski. La troisième ligne a montré de belles aptitudes offensives, même si la science d'Imanol Harinordoquy ou de Julien Bonnaire a pu manquer en touche, secteur le moins satisfaisant hier.
Derrière, on se dit que Marc Lièvremont a peut-être trouvé une charnière. Même si, tant au plan individuel que sur celui des automatismes, le duo Julien Dupuy - François Trinh-Duc a encore des marges de progrès, ce que les deux joueurs ont montré hier tendrait à nous convaincre que leur complémentarité est un atout indubitable. La régularité au pied de Julien Dupuy offre de surcroît des garanties, en plus de la qualité de passe du demi de mêlée. François Trinh-Duc est un attaquant de talent. Il devra cependant améliorer la qualité de son coup de pied pour s'affirmer comme l'ouvreur incontournable de cette équipe.
Chez les trois-quarts, Damien Traille a montré que les sélectionneurs ont eu raison de lui faire confiance. Ses accélérations lors des prises d'intervalle lui ont permis de créer des brêches dans la défense néo-zélandaise et c'est d'ailleurs l'une de ses initiatives qui conduira à l'essai de William Servat en première mi-temps. Mathieu Bastareaud s'est davantage illustré en défense qu'en attaque. Mais, même dans ce secteur, il a pu commettre des erreurs deplacement qui auraient pû être préjudiciables : ses montées en pointe ont offert des espaces dont les Blacks, c'est heureux, n'ont pas systématiquement profité. Nos deux ailiers ont fait leur boulot, mais ont aurait aimé les voir davantage.
Enfin, le
meilleur (?) pour la fin, Maxime Médard, digne hétier de la
tradition des arrières de talent pour ne pas dire de génie, que le
rugby tricolore est capable de produire régulièrement. Ce 15 là
devrait nous enchanter longtemps encore. En tout cas, hier, il a
donné à Luke McAllister une nouvelle raison de détester les bleus :
en interceptant une passe du Blacks (dont l'expulsion en quart de
finale de la Coupe du Monde 2007 avait été un des facteurs de la
défaite néo-zélandaise), l'arrière du XV de France a mis
définitivement les siens à l'abris.
On se plait à imaginer un deuxième exploit, la semaine prochaine à Wellington. On n'imagine pas les Blacks ne pas hausser leur niveau de jeu. Sans parler de l'esprit de revanche qui ne manquera pas de les animer.
Un peu comme il y a quinze ans...