Cette chronique est le fruit d'un hasard, et le hasard fait parfois bien les choses ; c'est en effet au cours d'une discussion enflammée lors de la soirée d'anniversaire de madame Nickx avec notre Ju national et Christophe ci-devant chanteur guitariste des Pony Tailor, eux-mêmes garagistes émérites, que je me suis vu conseiller l'écoute du deuxième effort des Horrors.
Chance ! L'album étant dispo en streaming sur le Net, pas beaucoup d'efforts à faire, ni de commande hasardeuse à effectuer ! Car en fait j'étais sceptique : le nom du groupe (même s'ils réhabilitent les noms en "the"), les pseudos crétins façon Hives de ses membres, le garage rock poussif et crade de Strange House (2007), ce côté next big thing du pauvre, ce vilain look corbak, tout ça ne me disait rien qui vaille !
En plus, ils n'étaient même pas américains, (plus grave, ils étaient anglais !), n'avaient même pas eu l'idée de se faire produire à Brooklyn par David Sitek, mais au contraire le nouveau disque portait la griffe de ce frèle geek de Geoff Barrow ; fallait-il en jeter encore ?
On les disait pourtant érudits, et puis il y avait cette pochette énigmatique jouant sur un flou lysergique façon Pornography des Cure, qui allait aussi faire la différence. Disons le d'emblée : Primary Colours ne révolutionne rien. On s'attend même au pire quand, après une très courte intro de "Mirror's Image" - mais tout dans ce disque est affaire de miroirs déformants - à la Animal Collective, décidément LA référence de ce millésime, on se trouve à piétiner les plates-bandes d'un groupe de pop héroïque affreusement daté façon The Opposition ! Même si j'avoue une honteuse inclinaison pour le Intimacy (1983) de ces derniers !
Encore faut-il y rajouter ce ressac de guitare obsédant qui, noyé sous la reverb et ce son de vibrato typiquement My Bloody Valentine rend le morceau intriguant, à défaut de mémorable. Mais dès "Three Decades", et dans une ambiance de train fantôme dévalant au milieu d'un palais des horreurs (pas fait exprès!), Faris Rotter emmène son groupe assez haut en transcendant son timbre sépulcral, à mi-chemin entre celui de Ian Curtis et celui de Dave Vanian. Le frontman des Damned est également particulièrement suggéré sur la funèbre et trippante "I Only Think Of You".
Intro de guitare Killingjokienne sur l'infernal "New Ice Age", mené tambour battant, et qui revient aux premières obsessions garage du groupe. Une basse Joydivisionesque façon "Love Will Tear Us Apart" ouvre un "Scarlet Fields" qui encore une fois, roule des pelles au groupe de Kevin Shields.
Tandis que "Do You Remember" rend un hommage appuyé aux groupes majeurs de la cold wave, évoquant la morgue juvénile des séminaux Jesus And Mary Chain,"I Can't Control Myself" aurait fait un excellent single növö punk, avec cette touche de Farfisa aigrelet qui convoque l'esprit des Stranglers.
"Sea Within A Sea", le curieux morceau qui clotûre ce disque très probant oscille entre pop Stranglersienne et kraut ; en témoignent cette longue intro que n'aurait pas désavoué Julian Cope, et cet orgue Lowrey tout en boucles oscillantes. Au final, un album plutôt homogène auquel certains mauvais coucheurs du Net auront reproché la longueur excessive des morceaux - curieux et peu honnête constat en vérité -, pour une oeuvre de 45' qui va à l'essentiel sur ses 10 morceaux, reprenant en cela des canons plus crédibles en terme de durée d'un disque !
The Horrors, c'est surtout un groupe qui, au-delà de son premier vrai galop d'essai d'envergure, donne furieusement envie d'être visité live. Combien de groupes anglais actuellement suscitent ce sentiment ? Perso, hors la comète esseulée Gravenhurst... Et c'est aussi un combo qui, sans rien inventer, parvient assez facilement à dépasser ses inspirateurs. On suivra par exemple avec intérêt la suite de leurs exploits, alors que peu de monde se souciera du devenir discographique de My Bloody Valentine.
En bref : auteurs d'un disque à la production encore garage et caverneuse, mais aux chansons plus ambitieuses, les Horrors réussissent un digest assez pertinent de leurs influences musicales. Et deviennent accessoirement l'un des (très) rares groupes anglais dont on va suivre avec intérêt la progression !
Le site et le Myspace (qui offre l'album en streaming) "New Ice Age" :