Son écho a-t-il résonné entre les murs des morgues surpeuplées emplies des corps mutilés des musulmans morts à Bagdad ou à Kaboul ? A-t-il été retransmis depuis les sommets des minarets dans les villes et villages décimés par les bombes US à fragmentation métal ? A-t-il été entendu dans les sordides camps de réfugiés de Gaza, où un million et demi de Palestiniens vivent dans le plus grand ghetto du monde ?
Que signifient pour nous les mots paix et coopération alors que nous torturons - oui, nous torturons toujours - les seuls musulmans ? Que veulent dire ces mots quand nous entérinons la brutalité des attaques aériennes d’Israël sur le Liban et Gaza, attaques qui ont détruit des milliers de maisons et laissé des centaines de morts et de blessés ? A quoi Obama pense-t-il quand il appelle à la démocratie et aux droits humains une Egypte que nous soutenons sans compter et dont nous aidons le régime despotique de Hosni Mubarak, un des dictateurs à la plus grande longévité du Moyen-Orient ?
La rhétorique d’Obama peut nous donner des frissons, mais parmi les 1,3 milliards de musulmans dans le monde, bien peu seront dupes. Ils comprennent que jusqu’à présent rien n’a changé pour les musulmans du Moyen-Orient sous l’administration Obama. Les guerres d’occupation continuent ou se sont propagées. Israël continue à se gausser du droit international, engloutissant de plus en plus de terres palestiniennes et perpétrant des crimes de guerre flagrants à Gaza. Des régimes rigidifiés et répressifs comme l’Egypte et l’Arabie saoudite sont fêtés à Washington en qualité d’alliés.
A l’Université du Caire, devant les portes de laquelle stationnent habituellement des camions pleins de policiers anti-émeute et dont le campus montre une forte présence d’agents de sécurité pour contrôler le corps étudiant, le discours tenu est un exemple de pure façade. Comme le sait chaque participant aux ovations debout qui ont salué le Président, les groupes politiques étudiants sont interdits. Les doyens des facultés sont choisis par l’administration plutôt qu’élus par les professeurs, « comme moyen de combattre l’influence islamiste sur le campus », selon le dernier rapport sur les droits humains du Département d’Etat US. Et comme le soulignait le Washington Post, les étudiants qui se servent de l’Internet « comme d’un exutoire pour leurs idées politiques ou sociales » sont prévenus : un étudiant de l’Université du Caire a subi deux mois d’emprisonnement l’été dernier pour « agitation publique » et un autre a été expulsé de son logement universitaire pour avoir critiqué le gouvernement.
Sous Obama, les projets impériaux sont en expansion et le serrage de vis augmente. Nous ne sommes pas en train d’essayer de mettre fin au terrorisme ou de promouvoir la démocratie. Nous nous assurons que notre entreprise d’état ait un approvisionnement constant en pétrole, dont elle est dépendante. Et plus le pétrole devient rare, plus nous devenons agressifs. Voilà le jeu qui se joue dans le monde musulman.
La Maison Blanche de Bush a ouvertement torturé. La Maison Blanche d’Obama torture et prétend ne pas le faire. Obama a peut-être supprimé le simulacre de noyade [waterboarding], mais comme Luke Mitchell le souligne dans le prochain numéro du magazine Harper’s, la torture, comprenant isolement, privation de sommeil, isolation sensorielle, alimentation contrainte, continue d’être utilisée pour briser les détenus.
Le président a promis de fermer Guantanamo, où ne sont détenus qu’1% des détenus hors USA. Et l’administration Obama a cherché à cacher le sort et les conditions de vie de milliers de musulmans détenus dans des trous noirs tout autour du globe. Comme le note Mitchell, la Maison Blanche d’Obama « a cherché à empêcher les prisonniers de la prison de Bagram en Afghanistan d’avoir accès à des tribunaux où ils pourraient révéler les circonstances de leur détention. Elle a cherché à poursuivre la pratique de confinement de prisonniers en des lieux inconnus et inconnaissables hors des Etats-Unis, et a cherché à garder le secret sur beaucoup de données (si pas toutes) concernant notre façon de traiter ces prisonniers ».
La rage des musulmans s’est enflammée parce que nous stationnons des milliers de soldats états-uniens sur sol musulman, que nous occupons deux nations musulmanes, que nous rendons possible l’occupation israélienne de la Palestine, que nous soutenons des régimes arabes répressifs et que nous torturons des milliers de musulmans dans des colonies pénitentiaires hors Etats-Unis où les prisonniers sont privés de leurs droits.
Nous avons maintenant 22 fois autant de personnel militaire dans le monde musulman qu’il n’en était déployé pendant les croisades du 12e siècle. La rage advient parce que nous avons construit des bases militaires massives, certaines de la taille de petites villes, en Irak, Afghanistan, Arabie Saoudite, Turquie et au Koweit, et que nous avons établi le droit de détenir des bases dans les états du Golfe, Bahrein, Qatar, Oman et EAU. La rage advient parce que nous avons étendu notre empire militaire jusqu’en Ouzbékistan, au Pakistan, Kirghizstan et Tadjikistan. Elle advient parce que nous stationnons des troupes et des forces spéciales en Egypte, en Algérie et au Yémen. Et ce vaste réseau de bases et d’avant-postes militaires semble devenir étrangement permanent.
Le monde musulman craint, non sans raison, que nous n’ayons l’intention de dominer les réserves pétrolières du Moyen-Orient et certaines infrastructures pétrolières de la Mer Caspienne. Et il s’intéresse non à nos protestations de bonne volonté mais au droit élémentaire de justice et de liberté par rapport à une occupation étrangère. Si la situation était inversée, nous ne réagirions pas autrement.
La brutale réalité de l’occupation étrangère en expansion et les formes de contrôle de plus en plus dures sont le carburant du fondamentalisme, des insurgés et des terroristes islamiques. Nous pouvons rendre responsable de la violence le clash des civilisations. Nous pouvons nous raconter naïvement que nous sommes enviés pour nos libertés. Nous pouvons accuser le Coran. Mais ce sont là des fantasmes qui nous évitent de nous confronter au conflit central entre nous et le monde musulman, de confronter notre propre responsabilité devant le virus du chaos et de la violence qui se répand dans tout le Moyen-Orient.
Nous pouvons avoir la paix si nous fermons nos bases, si nous aidons les Israéliens à créer un état palestinien, et rentrons à la maison ; ou nous pouvons avoir une guerre régionale longue, coûteuse et finalement vaine. Nous ne pouvons pas avoir les deux.
Obama, dont l’adhésion à l’impérialisme américain est aussi naïf et destructeur que celle de George W. Bush, est la dernière marque en date pour colporter le poison de la guerre permanente. Peut-être ne le voyons-nous pas. Mais ceux qui enterrent les morts le voient.
8 juin 2009 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.truthdig.com/report/item...
Traduction de l’anglais : Marie Meert
Truthdig - Chris Hedges / 13 juin 2009 / Info-palestine