Par
Jean-François Revel, de l'Académie Française, "L'obsession antiaméricaine", Plon, 2002
Ce qui dicte la vision du monde des musulmans, c’est que l’humanité entière doit respecter les impératifs de leur
religion, alors qu’ils ne doivent eux-mêmes aucun respect aux religions des autres, puisqu’ils deviendraient alors des renégats méritant l’exécution immédiate. La “tolérance” musulmane est à sens
unique. Elle est celle que les musulmans exigent pour eux seuls et qu’ils ne déploient jamais envers les autres. Soucieux de se montrer tolérant, le pape a autorisé, encouragé même, l’édification
d’une mosquée à Rome, ville où est enterré Saint Pierre. Mais il ne saurait être question de contruire une église à La Mecque, ni nulle part en Arabie Saoudite, sous peine de profaner la terre de
Mahomet. En octobre 2001, des voix islamiques, mais aussi occidentales, ne cessèrent d’inviter l’Administration américaine à suspendre les opérations militaires en Afghanistan durant le mois du
ramadan, qui allait commencer à la mi-novembre. Guerre ou pas guerre, la décence - disaient les bien-intentionnés - impose certains égards pour les fêtes religieuses de tous. Belle maxime, sauf
que les musulmans s’en tiennent pour les seuls exemptés. En 1973, l’Egypte n’a pas hésité à attaquer Israël le jour même du Kippour, la plus importante fête religieuse juive, guerre qui est
restée dans l’histoire précisément sous l’appellation la “guerre du Kippour”.
Le deuxième volet du mythe de l’islam tolérant consiste à soutenir hautement que le gros des populations musulmanes désapprouve le terrorisme, et au premier rang l’immense
majorité des musulmans résidents ou citoyens des pays démocratiques d’Europe ou d’Amérique. Les muphtis ou recteurs des principales mosquées en Occident se sont fait une spécialité de ces
assurances suaves. Après chaque déferlement d’attentats meurtriers, par exemple en France en 1986 et en 1995, ou après la fatwa ordonnant de tuer Salman Rushdie en 1989 ou Taslima Nasreen en 1993
pour “blasphème”, ils n’ont pas leurs pareils pour garantir que les communautés religieuses dont ils ont la charge spirituelle sont foncièrement modérées. Dans les milieux politiques et
médiatiques, on leur emboîte avec empressement le pas, tant la crainte nous étrangle de passer pour racistes en constatant simplement les faits. Comme le dit encore Ibn Warraq, “la lâcheté des
Occidentaux m’effraie autant que les islamistes.”
Ainsi, le quotidien Le Parisien-Aujourd’hui, dans son numéro du 12 septembre 2001, publie un reportage sur l’atmosphère de liesse qui a régné durant toute la soirée du 11 dans le
XVIIIe arrondissement de Paris, où vit une importante communauté musulmane. “Ben Laden, il va tous vous niquer ! On a commencé par l’Amérique, après ce sera la France.” Tel était le type de
propos “modérés” adressés aux passants dont le faciès semblait indiquer qu’ils n’étaient pas maghrébins. Ou encore : “Je vais faire la fête ce soir car je ne vois pas ces actes [les attentats de
New York et de Washington] comme une entreprise criminelle. C’est un acte héroïque. Ca va donner une leçon aux Etats-Unis. Vous, les Français, on va tous vous faire sauter.”
Ce reportage du Parisien n’a eu d’équivalent dans aucun autre organe de la presse écrite et fut passé sous silence par la quasi-totalité des médias. En tout cas, auditeur assidu,
chaque matin, des diverses revues de presse radiophoniques, je ne l’ai entendu mentionner dans aucune d’entre elles, sauf erreur, ce 12 septembre.
Malgré l’imprécision des statistiques, on considère que la population vivant en France compte entre quatre et cinq millions de musulmans. C’est la communauté musulmane la plus
nombreuse d’Europe, suivie, loin derrière, par celles d’Allemagne et de Grande-Bretagne. Si “l’immense majorité” de ces musulmans était modérée, comme le prétendent les muphtis et leurs suiveurs
médiatico-politiques, il me semble que cela se verrait un peu plus. Par exemple, après les bombes de 1986 puis de 1995, à Paris, qui tuèrent plusieurs dizaines de Français et en blessèrent bien
davantage, il aurait bien pu se trouver, sur quatre millions et demi de musulmans, dont une bonne part avait la nationalité française, quelques milliers de “modérés” pour organiser une
manifestation et défiler de la République à la Bastille ou sur la Canebière. Nul n’en a jamais vu l’ombre.
En Espagne, des manifestations rassemblant jusqu’à cent mille personnes ont souvent eu lieu en 2001 pour honnir les assassins de l’ETA militaire. Elles se sont déroulées non
seulement dans l’ensemble du pays, mais au Pays basque même, où les manifestants pouvaient craindre des représailles, quoique les partisans des terroristes y fussent effectivement très
minoritaires, comme l’ont encore prouvé les élections régionales de novembre 2000.
Si, au rebours, les musulmans modérés en France osent si peu se manifester, la raison n’en serait-elle pas qu’ils savent que ce sont eux les minoritaires au sein de leur
communauté et non les extrémistes ? Voilà pourquoi ils sont modérés… avec modération. Il en va de même en Grande-Bretagne, où l’on vit, en 1989, les
musulmans, pour la plupart d’origine pakistanaise, se déchaîner pour hurler à la mort contre Salman Rushdie, mais où l’on ne vit aucun d’entre eux protester contre ces cris barbares. Après le 11
septembre, tel porte-parole qualifié des musulmans britanniques, El Misri, définit les attentats contre les World Trade Center comme des actes de “légitime défense”. Tel autre, Omar Bakri
Mohammed, lança une fatwa ordonnant de tuer le président du Pakistan, coupable d’avoir pris positionen faveur de George Bush contre Ben Laden. Chacun a eu beau tendre l’oreille, personne n’a
entendu la moindre foule “modérée” islamo-britannique protester dans les rues contre ces appels au meurtre, parcqu’il n’en existe aucune, pas plus qu’il n’y a de foule “modérée” islamo-française.
La notion que “l’immense majorité” des musulmans fixés en Europe serait modérée se révèle n’être qu’un rêve, ce qui fut mis spectaculairement en lumière durant les deux mois qui suivirent les
attentats contre les Etats-Unis.