Le journal Le Monde titre ainsi son numéro daté du samedi 13 juin: «Le plan de bataille de Sarkozy après son succès aux européennes ». Il me semble ainsi accentuer sa dérive vers le sarkozisme.
Même si l'on nous a répété maintes fois que ces élections n'étaient pas l'occasion de se prononcer pour ou contre Sarkozy, même si notre Président se comporte presque exclusivement comme un chef de gouvernement, donc lié à un parti, et non comme le Président de tous les Français, ce qui était à opérer ici c'était le choix par la France de ses représentants au Parlement européen.
Depuis l'origine, ces élections européennes n'ont jamais suscité un enthousiasme particulier dans notre pays. Mais celles de cette année ont atteint un niveau record d'abstentions, 59,37%. Or, ce qui en temps normal aurait simplement aurait simplement signifié le désintérêt croissant des électeurs pour ce scrutin, est en fait un revers majeur pour le personnage habile mais grossier, inculte et avide, qui représente la France, jusqu'en 2012 et, espérons-le, pas au-delà.
En effet ces élections interviennent moins de six mois après la Présidence française du Conseil européen, au cours de laquelle notre chef de l'Etat s'est employé vigoureusement à démontrer que nul n'était plus qualifié que lui pour diriger l'Europe : ne s'est-il pas rué à l'Est lors de la guerre russo-géorgienne, pour consacrer l'abandon de deux provinces sécessionnistes, n'a-t-il pas admirablement représenté l'Europe aux Jeux Olympiques de Pékin, sans se laisser dicter son agenda par la Chine, n'est-il pas à l'origine de la réunion du G20, qui a mis à bas le règne des capitalistes cupides et sans scrupules et éradiqué de la surface de la planète tous les paradis fiscaux, n'a-t-il pas tenté ensuite de rempiler pour épargner au Conseil européen d'être dirigé par cette incapable République tchèque ?
Tout cela n'a pas suffi. Même si, malheureusement, nous n'adhérons à l'Europe que lorsque c'est notre pays qui la dirige ou du moins, lorsque ses lois sont conformes à nos seuls intérêts, vingt-six millions de nos électeurs s'en fichent royalement et n'éprouvent pas le besoin d'exercer un droit de vote chèrement acquis par nos prédécesseurs. Et des journalistes dits indépendants ont le front de qualifier cette débâcle de victoire !
La réalité, c'est que Nicolas Sarkozy n'est pas le Président de tous les Français mais bien le chef d'une clique, l'UMP, tellement inféodée à sa seule personne que, à la différence du RPR, elle a perdu le droit d'avoir un président. C'est si vrai que, lors des cérémonies du soixante-cinquième anniversaire du débarquement de Normandie, seuls pouvaient approcher le Président Obama les adhérents de l'UMP. Encore un effort, réservons les élections à ces mêmes citoyens et nous serons partis vers la meilleure des républiques.
Quant à cette UMP, elle a bénéficié du soutien indéfectible du Président, d'une télévision qui nous a abreuvé, des jours durant, des problèmes de sécurité, thème favori du pouvoir depuis 2002, non réglé par un précédent et éblouissant Ministre de l'intérieur, d'une télé qui a su nous émouvoir vingt minutes par jour sur le sort tragique du vol AF447, d'une télé qui a réussi à nous indigner devant le coût de ces députés européens, comme si nos élus nationaux ne dépensaient pas sans compter. En dépit de tout cela, le parti de la majorité a réussi à mobiliser 4.430.000 électeurs sur quarante-huit millions, même pas l'audience d'un soir de TF1, 10,8% des électeurs, à peine un sur dix. Quel succès époustouflant, n'ayons pas peur des mots, une victoire triomphale, qu'il importe de poursuivre avec de nouvelles batailles. Banzaï !