(Récit imaginaire)
Exemple d’écriture épique : repérer les moyens de l’épique dans ce début d’article.
Un soleil de plomb cognait à lourds coups sur les lacets du col ce matin-là et semblait guetter l’arrivée des coureurs. Le sommet chauve du Mont Ventoux brillait comme un casque. Un petit vent malin asticotait les herbes du bord de la route et aiguisait la soif des fans de vélo venus en masse acclamer leurs champions.
Sur les bas-côtés, les silhouettes trapues des camping-cars hollandais, des camionnettes belges, et des side-cars italiens se mêlaient aux formes mouvantes des hordes de supporters. Le son des radios, dans toutes les langues, colportait les nouvelles de la progression du peloton et les voix échauffées par l’alcool et le soleil accentuaient encore cette impression de clameur folle de tout un stade magiquement déplacé, à la façon d’un puzzle géant, sur les pentes abruptes de la Haute Montagne.
Le goudron de la route ajoutait à ce chant de foule en délire, une note sournoise, un petit ruisseau grésillant d’où s’élevait une odeur forte de bitume en fusion : embusqué sous la terre, un dieu féroce, héritier de Vulcain, devait préparer en secret la piste aux forçats de la Petite Reine.
Soudain, véritable lame déferlante, la clameur a monté encore. Irrésistible dans le ciel bleu. Les derniers oiseaux s’envolèrent des rares arbustes où ils avaient trouvé refuge. L’Epée surgit, elle étincelle tout au bas des lacets, elle croise le fer ! Semblable à un chevalier des temps modernes, courbé sur sa machine, imprimant à sa course un rythme irrésistible, Indurain apparaît. Son visage en sueur où luit un œil de braise est un masque de cuivre...