J’ai eu à assister à un dialogue post campagne électorale des plus drôle, à mes yeux, entre un militant du NPA, un du Front de Gauche (encarté PG) et un d’Europe Ecologie (encarté Verts).
Leur discussion portait sur « la concurrence libre et non faussée » et le traité de Lisbonne. Pourquoi cela m’a amusé ? Parce qu’ils se sont mis à ergoter sur un point de détail : est ce mieux que la concurrence soit faussée ou pas ?
Ainsi le militant NPA disait que « la concurrence libre et non faussée, comme elle est libre, c’est la concurrence de tout sur tout, et donc pas bon pour l’humanité. Il faut donc des règles à la concurrence ». Cela s’entend … Sauf que … le problème est ailleurs.
Pour le militant FdG, la « concurrence a du bon parfois, comme pour le téléphone, mais il faut en protéger les secteurs clefs de l’économie ». C’est assez fumeux, car penser que de nos jours les télécommunications ne sont pas un secteur clef… De plus, cela répond à côté de la question première qui est la concurrence libre et non faussée.
Enfin, le militant Europe Ecologie se mis à faire appel à Alain Lipietz pour expliquer que « le traité de Lisbonne entérinera la concurrence, certes, mais elle ne pourra pas être faussée, et donc sera plus bénéfique ainsi. Car sinon, on aurait une concurrence faussée et là ce serait pire ». Réponse presque récitée tant elle semble avoir été martelée pendant la campagne.
Croire que la concurrence serait le jeu de la meilleure des solutions est illusoire. Nous voyons bien que nous vivons dans un monde où triomphe non pas la meilleure des solutions, mais celle dont le trust (multinational) a le plus de moyens financiers. Et l’un ne va pas forcément avec l’autre.
Mais le plus étonnant dans cette discussion, c’est de voir trois personnes de gauche s’étriper sur une valeur qui n’est pas du tout de gauche : la concurrence ! Le fond du problème est bien là. Comment pouvons nous imaginer deux minutes mettre en place une société, un pays (l’Europe) sur la base d’une concurrence de tous contre tous ?
La valeur première doit être l’entraide ! La coopération entre les peuples et non leur mise en concurrence. C’est là le hiatus : la propagande capitaliste et libérale a réussi à faire que trois personnes se disant porteurs de valeurs de gauche, au lieu de se battre sur l’idée d’abattre la concurrence au profit de l’union des humains dans la coopération, se retrouve à ergoter sur « que met-on après le mot concurrence ».
Le problème n’est pas tant qu’elle soit faussée ou non, qu’elle soit libre ou non, mais bien l’idée que l’on veut unir dans la concurrence ! Quelle drôle d’idée n’est ce pas ?
Car voilà bien une des choses qui a de quoi étonner. Depuis des années, les mouvements progressistes semblent avoir abandonné (du moins pour les plus médiatiques d’entre eux) l’idée première que la coopération est la clef d’une humanité sans guerre (qu’elle soit physique ou économique).
Cette discussion, sur un coin de bar, est assez révélatrice d’une dérive préoccupante. Nous ne devons pas jouer avec les armes de ceux qui oppriment si nous volons abattre l’oppression.
C’est malheureusement ce que font trop de mouvements progressistes, en se posant trop souvent en opposition frontale sans réellement proposer. Ou bien en aménageurs d’outils malsains. Aménager la concurrence revient, quelque par, à aiguiser la lame de la guillotine pour que le condamné souffre moins.
Il est aujourd’hui urgent que les propositions afflues, qu’elles soient utopiques ou non, mais nous ne devons pas nous cantonner dans la position de facilité qui ne consisterait qu’à la dénonciation sans l’idée de changement de paradigme.