En 2004, on s'était plaint du mode de scrutin qui nous avait défavorisé, en raison du découpage par circonscription et de la hausse mécanique du seuil réel d'élection. Ainsi, en théorie, il faut 5 % pour être pris en compte dans le calcul des attributions des sièges, mais moins il y a de sièges à pourvoir, plus le seuil réel d'attribution est élevé : voyez le Centre (5 sièges) et les Dom-Tom (3 sièges) où en dessous de 10 % voire 15 % il est impossible de prétendre à quoi que ce soit. On s'est encore plaint cette année, de moins en moins à mesure que les sondages prédisaient un score plus qu'honorable (quand on va "gagner", on pinaille moins).
Mais a-t-on raison de râler ? Ainsi, pour les élections de 2004 où nous avions fait 7,4 % nous avions obtenu 6 siège sur 78, soit 7,7 % de la délégation française au Parlement européen. Cette année, avec 16,28 % des voix au niveau national, nous obtenons 19,45 % des eurodéputés français. Même le Modem semble bien servi, puisqu'avec ses 8,45 % au national il envoie à Bruxelles 8,33 % de la délégation française.
Par contre, l'UMP est outrageusement favorisée : avec moins d'un tiers des voix au niveau national, ses 29 élus représentent 40,3 % des eurodéputés français ! Libertas pourrait s'estimer lésé, puisque ses 4,8 % ne lui ont apporté qu'un seul député[1], soit 1,4 % de la délégation. Mais au contraire, le découpage est à l'avantage de Philippe de Villiers qui n'aurait jamais été élu s'il avait été à la tête d'une liste nationale : le seuil des 5 % lui aurait été fatal (dommage !).
Si les 2 eurodéputés fantômes supplémentaires[2] sont bien attribués aux régions Nord et Grand Est, Europe Écologie aura 2 députés de plus et aura profité à plein du système des grandes circonscriptions : ses 16 élus sur 74 représenteront alors... 21,6 % !
Comme l'avait écrit Dagrouik en faisant ses calculs, le mode de scrutin favorise les gros largement en tête, avec une prime à la charnière qu'Europe Écologie semble très bien exploiter (comme le PS finalement, qui fait le même score au niveau national).
Pour autant, cela ne doit pas nous conduire à défendre ces euro-régions incompréhensibles qui n'ont même pas le bon goût d'être cohérentes territorialement. Pour Centre - Massif central, imaginez une région qui va de la Loire à Millau : quels points communs dans les dynamiques territoriales, les emplois, même le climat ? La région Nord, du Mont Saint-Michel à Arras... Sans oublier le Grand Est, absolument gigantesque avec la Bourgogne, la Champagne, l'Alsace et la Lorraine. Bref, conçues pour "rapprocher les élus des électeurs", elles n'ont rendu le scrutin qu'encore plus incompréhensible pour des Français habitués en plus aux scrutins uninominaux à 2 tours.
Vivement des listes, au moins en partie, pan-européennes, on mesurera alors mieux encore l'engagement et la cohérence continentale des listes.
Notes
[1] Grâce aux 10 % essentiellement vendéens dans le Grand Ouest.
[2] "Fantômes" car non élus en attendant la ratification du traîté de Lisbonne, mais libre d'accéder au Parlement, sans siéger pour autant. Un truc bizarre comme seule l'Europe est capable d'en créer et c'est ce qui fait son charme. ;-)